Une fois de plus, Antoine Léaument a fait le travail qu’aucun journaliste n’a fait :
« Morts de la rue : le « fact-checking » lamentable et raté de RTL »
AUTRES OBSERVATEURS DES MÉDIAS
Faire connaître l’OPIAM à partir de Facebook
Répertoire
Articles
Rechercher dans le blog
-
Posté chez Léaument :
Je participe à la collecte des données pour le collectif Les Morts de la rue et parviens à recenser moins d’un mort sur cinq du secteur géographique que je couvre.
Il m’est arrivé de porter à la connaissance du collectif une mort survenue deux ans plus tôt. Tout simplement parce que je n’avais pas songé que la nouvelle de cette mort, un peu médiatisée, n’avait pas été transmise au collectif. C’est en épluchant la liste des Morts de la rue de cette année-là que j’ai constaté son absence. Cette vérification est très fastidieuse à faire et j’avoue y renoncer le plus souvent par manque de temps.
Beaucoup de zonards, comme ils se nomment eux-mêmes, ou de jeunes en errance, le terme de travailleurs sociaux, vivent sous le pseudonyme ou sobriquet qu’ils ont choisi. Lorsqu’ils meurent sous leur nom d’état-civil, il est fort possible que jamais personne ne songe à les faire figurer dans la liste des morts de la rue.
Lorsqu’ils meurent dans une ville éloignée de leurs habitudes, ils échappent à tous les radars. J’ai ainsi appris la disparition d’un zonard âgé de 20 ans près de trois ans après sa mort. Ne connaissant que son pseudonyme, ne sachant pas exactement ni où ni quand il est décédé, — c’est une relation d’un de ses copains qui m’en a informé — comment faire une fiche de décès fiable ?
X. est décédé d’un coma éthylique. C’est ainsi que sa mort a été officiellement annoncée. C’est grâce à l’un de ses compagnons que j’ai appris sa mort qui n’aurait pas été répertoriée Mort de la rue.
Y. a disparu voici quatre-cinq ans. Je rencontrais souvent et ne me suis pas inquiété : il se casait plus ou moins longtemps durant l’hiver et vagabondait parfois des mois avant de revenir. Il n’est jamais réapparu. Je n’ai aucune idée d’où il a pu passer. On peut penser avec raison qu’il est mort mais on n’a aucune trace ou certitude. Et de lui nous n’avons qu’un prénom dont il n’est même pas certain qu’il soit bien celui de son état-civil.
J’ai encore croisé ces derniers jours un gars qui survit dans un gite pour ex-clochards. Il n’est plus clochard au sens juridique ou social. S’il meurt bientôt, il ne sera pas considéré comme mort de la rue. Alors que sa mort sera tout de même en grande partie dûe à ses plus de vingt années de misère.