Vocabulaire de journaliste « modéré »

     Au début du mois d’avril 2012, Maël Thierry, journaliste d’investigation mondaine du Nouvel Observateur, a co-écrit avec d’autres Maëls Thierrys un « dossier spécial » tous-démagogues-avec-leurs-promesses-qu’ils-tiendront-jamais-mais-le-moins-pire-quand-même-c’est-Hollande… Voici un extrait de l’introduction de Sylvain Courage :

« Jean-Luc Mélenchon, le candidat qui propose le projet le plus généreux, lui, est devenu le troisième homme dans la course à l’Elysée. Est-ce à dire que les électeurs français sont toujours friands de promesses irréalisables et de lendemains qui chantent ? Une partie d’entre eux sans doute… »

Voici les titres du dossier « On a testé leurs programmes » :

1. « Les mesures les plus incertaines, les plus emblématiques »
2. « Les mesures les plus discutables, les mesures les plus consensuelles »
3. « Les mesures les plus coûteuses, les plus contradictoires »
4. « Les mesures les plus irréalistes, les mesures les plus dangereuses« 

Résumé :

– on peut pas augmenter le SMIC, ça va ruiner le pays
– on peut pas limiter les salaires, sinon eh ben les riches ils vont partir et on va tous mourir
– on peut pas interdire les licenciements
– on peut pas régulariser tous les sans-papiers
– on peut pas rembourser à 100% les dépenses de santé
– on peut pas s’affranchir du Traité de Lisbonne…

     … la « rengaine de l’impuissance », comme l’écrit l’économiste Jacques Généreux dans Nous, on peut !

     Lire ce dossier permettra aux citoyens parfois un peu candides de mieux comprendre le sens du vocabulaire en apparence anodin et non agressif que Maël Thierry emploie dans ses autres articles sur Mélenchon, tels que celui du 14 juin, paru dans le numéro 2484 du Nouvel Observateur. Le Nouvel Observateur avait chargé Maël Thierry d’aller nouvelobserver la campagne des élections législatives à Hénin-Beaumont :

« La faute au PS, dit-il… Mélenchon : cinq ans de solitude”

« Sa voix tonne encore », crie le journaliste au début de son article.

« […] Jean-Luc Mélenchon s’est replié avec quelques proches sous une toile blanche transformée en mini-bunker sur la place Wagon d’Hénin-Beaumont », tambourine le journaliste.

Dans la phrase suivante, le journaliste s’emporte : « N’y entrent que des médias triés sur le volet, ce qui n’empêche pas le candidat défait de s’emporter contre un journaliste. « Qu’est-ce que vous voulez me faire dire ? Mélenchon K.-O., c’est ça ? » »

Oui, c’est exactement ça ! C’est la métaphore débile qu’écrit ensuite le boxeur stupide, tellement stupide :

« Mélenchon K.-O. ! Dès le premier round. C’est le scénario surprise qui s’est joué dans la « onzième du Pas-de-Calais ». »

Par cette démonstration, ce journaliste atteint l’extrémisme, la démesure gigantesque de sa stupidité. La meute journalistique a répété et répété cette métaphore du match de boxe dix fois, cent fois, fière de sa trouvaille. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois¹ que Maël Thierry lui-même fait cette comparaison, nuisible car réduisant un problème politique à un « duel » de personnes.

« Cette fois, les dizaines de sympathisants venus applaudir leur champion n’ont pas échappé aux averses », écrit le champion des militants de la culture journalistique.

Deux phrases plus loin, le héros journalier ajoute, à propos d’une militante, que « le ciel gris venait de tomber sur la tête de son champion”.

Le porte-drapeau du journalisme radical écrit plus loin que « le porte-drapeau de la gauche radicale était venu dans le Pas-de-Calais terrasser « la bête immonde » ». Limiter les revenus des ultras-riches à 1000 euros par jour, augmenter le SMIC de 600 euros nets en un mandat c’est très radical n’est-ce pas² ? ainsi que la retraite à 60 ans, radical aussi, car en effet on vit plus vieux donc blablabla. La majorité des journalistes ont-ils viré à droite à ce point, que les choses les plus banalement de gauche soient devenues « radicales » et « extrêmes » ?

Le soir du 10 juin, Mélenchon « se barricadait dans sa tente », invente le journaliste, cloîtré dans sa salle de rédaction.

     Dans un autre article spectaculaire (dont le titre est « Mélenchon : « Quand je parle, tu te tais ! » »³), comprenant un paragraphe intitulé « Melenshow”, Maël Thierry – qui sait manier ses lecteurs, mais pas la nuance – écrivait : « A la tribune, Jean-Luc Mélenchon sait comment manier la foule. Tantôt grave, tantôt caustique, le « Melenshow » est efficace. »

     Dans un autre numéro du Nouvel Observateur (« Le festival Mélenchon à Talence4”), le journaliste inculte écrivait :

« L’ancien socialiste a fait le show hier soir à Talence, où plus de 2.000 militants étaient venus voir le candidat du Front de gauche en meeting. »
[…]
Quand il se laisse emporter par son verbe, l’ancien
socialiste sait faire le show comme personne. »

Notes :

1. « [EXCLUSIF] Sondage : le match Besancenot-Mélenchon”.

2. Heureusement que le journal réalo-socialiste Libération existe pour expliquer que non, ça ne va pas être possible d’augmenter le SMIC de 600 euros, c’est trop radical (voir l’édition du 6 avril 2012 : « Un Smic à 1700 euros, est-ce possible ?« ). Par contre, un carambar par jour, c’est réaliste, c’est le réalo-socialisme.

3. « Mélenchon : « Quand je parle, tu te tais ! » »

4. « Le festival Mélenchon à Talence

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