Mélenchon n’est pas le problème

Pour le Parti Médiatique, le problème est ce qu’il incarne

Texte de Luc, militant politique et syndicaliste

Mélenchon n’est pas le problème.

Avant toute chose, je tiens à préciser que mon but n’est pas ici de faire la publicité de Jean-Luc Mélenchon, ni l’inverse d’ailleurs, mais de prendre un (petit) peu de recul.

Avec la folie qui suit tout éclat furtif de lumière dans une situation désespérément sombre, la situation actuelle suite à l’appel à la primaire « de toute la gauche », auquel certains cadres du PCF semblent vouloir se rallier, nous offre encore une fois à une séance de Mélenchon-bashing, tant de la part des divers médias [voir ces trois articles de Libération parus les 12 et 13 janvier, par exemple : « Jean-Luc Mélenchon, refus primaire » ; « Mélenchon n’a « pas l’intention d’attendre la cathédrale gothique » de la primaire » ; « Primaire à gauche : une idée qui fait son chemin« ] que de la part de militants ou cadres de diverses formations de gauche.

Le problème est le suivant : il faudrait se débarrasser de Mélenchon, car il serait diviseur, repoussoir, un « boulet » même, selon trois journalistes, pour la réussite d’une candidature « de gauche ».

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Outre qu’on nous avait déjà sorti cela en 2012, et que ça n’avait pas empêché un candidat que beaucoup voyaient comme « de gauche » de gagner, j’aimerais souligner un autre élément : c’est un faux problème.

Ce n’est pas lui le problème, c’est ce qu’il incarne.

J’ouvre ici une parenthèse : Mélenchon, en dépit des petites combines politiciennes du PG mais hélas inhérentes à la plupart des organisations politique, est un empêcheur de magouiller en rond, et c’est pour cette raison qu’il est autant détesté par les appareils des partis politiques.

En effet, il incarne une ligne de gauche incorruptible et inébranlable, qui est une mauvaise conscience permanente pour tous ceux qui cherchent des places au prix de la clarté politique, voire de leurs convictions politiques. Et une mauvaise conscience bruyante, de surcroît, qui ne se contente pas de parler dans la tête, mais qui parle aussi très fort à la télé.
Aussi fait-il se sentir merdeux les petits combinards, et aussi veulent-ils sa tête.
Fin de la parenthèse.

Mais ce n’est qu’un prétexte. En effet, il est bien pratique de se concentrer sur la « personnalité » de Jean-Luc Mélenchon, qui serait « clivante », « insupportable », etc. et qui permet de critiquer la forme et de ne jamais parler du fond (il nous emmerde à dénoncer les magouilles). Or, des hommes politiques insupportables en privé, il y en a plein, et jamais cet argument ne ressort. C’est donc que c’est un prétexte (qui n’arrange rien, cependant).

Non, en vérité, c’est sa ligne politique, à gauche, contre l’oligarchie libérale du PS, contre l’oligarchie et les petits fours, alliées à sa popularité qui gêne. (Oui, popularité. Il a fait 11% en 2012 – ce qu’aucun de ses contempteurs n’a jamais réussi à faire, alors qu’ils sont loin d’être tous nouveaux en politiques – et est encore crédité d’intentions de vote avoisinantes, en dépit de toute la bile continuellement déversée sur lui)
En vérité, tous les hommes politiques qui incarnent une telle ligne (et qui ont un succès relatif) sont détestés. Ainsi, Georges Marchais était dépeint en crétin gueulard, ainsi Jaurès était un ivrogne, ainsi Jeremy Corbyn, est-il depuis son élection à la tête du parti travailliste sous un feu continu et coalisé des médias britanniques, des conservateurs à qui ils sont majoritairement affiliés et des blairistes, tous unis contre le diable qu’il incarne. Et les exemples sont légion : il suffit de prendre un pays avec une gauche radicale forte et de s’intéresser au traitement que leurs têtes d’affiches subissent.

On pourrait remplacer Jean-Luc Mélenchon par n’importe qui avec un caractère différent mais un positionnement politique similaire, le problème serait le même. D’ailleurs, si l’on trouve une personnalité mieux à même de porter un programme politique de rupture avec la logique productiviste et proposant une autre répartition des richesses et une refonte de notre mode de vie, je signe direct. Et cette personne se retrouvera rapidement affublée des mêmes tares dont Mélenchon est gratifié.

Ainsi, sous couvert de critiquer sa personnalité veut-on en fait se débarrasser du courant politique qu’il incarne. Or, on en veut les voix (bin oui, même dans ses plus basses eaux, ce courant avoisine toujours les 5% à 7%, ce qui est indispensable pour gagner une élection). Aussi est-il important de nier l’existence de la gauche qui refuse les magouilles en l’incluant dans « la gauche » en général, et de faire croire que le problème est un individu, et non un courant politique.

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Sur le même sujet : « Les attaques du Parti Médiatique contre le style de Mélenchon ne sont qu’un prétexte« 

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