Objectivité ordinaire d’un journaliste de laboratoire

Ne pas massacrer visuellement, est-ce « servir la soupe » ? Question pour les Minus & Cortex du « Lab » d’Europe1 et pour les désintoxicateurs de Libération.

Le traitement qu’accorde généralement Thibaut Pézerat, journaliste au « Lab » d’Europe1, à Jean-Luc Mélenchon, est d’une indéniable objectivité, neutralité et impartialité. Voyons par exemple le contenu de son article déontologique et rigoureux du 25 avril sur la participation de J.-L. Mélenchon à l’émission « Des paroles et des actes », titré « Ce qu’il fallait retenir de l’intervention de Jean-Luc Mélenchon dans « Des paroles et des actes » ».

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Ce qui intéresse ici le journaliste neutre et objectif, ce sont les « petites phrases », le « running gag » et « un nouveau clash avec un journaliste ». Pas un mot sur les 19 propositions qu’a faites Mélenchon au cours de l’émission. Son travail est digne du Petit Journal, divertissement dont la devise nihiliste est « Du clash et du buzz ! ». Si le journaliste avait assumé sa subjectivité, s’il n’avait pas dissimulé ses opinions politiques derrière le masque de l’objectivité, en ne cachant pas son choix de mettre en avant telle information plutôt que telle autre (« ce qu’il faut retenir »), le titre eût été alors : « Ce que je retiens… ». Quant à ce qu’il faut retenir du visage de Mélenchon au cours des 3 heures d’émission, c’est ceci :

retenirCela aurait pu être ceci :

f2Mais ça ne l’a pas été.

Dans un autre genre, REGARDEZ ce qu’il fallait retenir de Mélenchon le dernier jour de la campagne électorale présidentielle de 2012 selon Le Nouvel Observateur et Le Parisien :

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Site Internet du Nouvel Observateur le 20 avril 2012, soit deux jours avant les élections présidentielles.

Voici une photo qu’il ne fallait pas retenir :

 

Là encore, le journaliste du Parisien sélectionne une photo parmi d’autres, mais appelle ce choix objectivité et neutralité. Il aurait pu retenir ce visage…

… mais il ne l’a pas fait car c’eût été « servir la soupe », comme on dit dans la langue mi-paranoïaque, mi-poujadiste de la nouvelle génération de journalistes de laboratoire décrypteurs, désintoxicateurs, détecteurs et décodeurs. D’autres photos existent pourtant, où Mélenchon ne fait ni grimace ni sourire. Elles n’ont pas été « retenues » non plus par ces trois journaux. RTL a retenu ce visage de Mélenchon :

Le journaliste de RTL a-t-il « servi la soupe » à Mélenchon, ou bien est-il capable de se contenter de le critiquer avec des arguments dans son article, sans le massacrer visuellement ? Il y a souvent une volonté de la part des journalistes d’orienter le regard de leurs lecteurs dans une direction bien précise. Comme dans cette illustration, ou une journaliste d’Europe1 interpelle directement ses lecteurs :

Mélenchon vous "manipule"

Mélenchon avait dit à des journalistes de Radio France Politique : « Je vous manipule ». La journaliste Kim Biegatch a fait croire à ses lecteurs que Mélenchon les a manipulé, eux.
Voir « Prix du journaliste le plus médiocre, décerné à Kim Biegatch, pour son œuvre « Mélenchon vous “manipule” »« 

La question du choix iconographique est essentielle. Tout est choix, tri, sélection.
L’« objectivité » des journalistes et des historiens n’existe pas, comme l’explique l’historien Howard Zinn dans L’impossible neutralité. L’ « objectivité », la « neutralité » ou encore l' »indépendance » ne sont d’ailleurs pas des revendications du Parti de gauche, qui demande le pluralisme dans les médias : c’est-à-dire que des points de vue différents puissent s’exprimer et que des opinions contraires soient représentées. André Gunthert, historien et enseignant-chercheur en culture visuelle, donne une explication précise de cette question du choix iconographique dans son analyse « De Hitler à Mélenchon. Petite généalogie de la diabolisation visuelle ».

Toujours au moyen du masque de l’objectivité, il y avait eu cette première phrase d’un article du Parisien dans le même genre :

« Jean-Luc Mélenchon fait une nouvelle fois le buzz
à cause d’une dispute avec des journalistes. »²

Sans le masque de l’objectivité, cela donne :

« Nous faisons une nouvelle fois le buzz à cause
d’une dispute entre Mélenchon et des journalistes. »

Autre article de M. Pézerat, du 19 avril 2013. Neutre aussi bien sûr :

pézeratjournaleuxDans le dernier paragraphe intitulé « Bonus track : », le journaliste écrit :

« Pas une semaine ne passe sans que Jean-Luc Mélenchon y aille de sa pique, voire de sa charge contre les journalistes. La semaine dernière, il attaquait Le Monde, « grand journal de révérences« . Plus tôt, il critiquait « les giclées de fiel médiatique » du même quotidien.
Cette fois, toujours dans Le Point, c’est à la « corporation » des journalistes qu’il s’en prend. »

Bref, monsieur le Journaliste semble avoir un problème avec la critique. Jamais un mot sur les motifs que Mélenchon pourrait avoir de torturer ces pauvres petits Journalistes, ces héros, ces saints, ces martyrs de la Vérité et de la démocratie.

***

1. « Jean-Luc Mélenchon refuse la présence d’un journaliste de L’Express et fait annuler un déjeuner informel« , Europe1, 18/06/13.

2. « Mélenchon s’emporte à nouveau contre des journalistes« , Le Parisien, 31/10/11.

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17 réponses à Objectivité ordinaire d’un journaliste de laboratoire

  1. dorzédéjà dit :

    Lorsqu’on lui ôte ses prothèses idéologiques, le journaliste main-stream type Pézerat se trouve en face d’un grand vide :  » n’entendez-vous pas, surgi des quatre coins de l’horizon, ce bruit effroyable qu’on appelle d’ordinaire le sil…euh le bavardage médiatique ? » ( Büchner,  » Lenz »)

  2. laurie dit :

    L’autocritique ? Mais ils ne connaissent pas. Ils sont bien trop occupés à se regarder le nombril pour se remettre en question.
    En revanche, la plèbe, elle, quand elle remet en cause le traitement médiatique que certains journalistes réservent à Mélenchon, c’est parce qu’elle « s’ennuie dans la vie ». Vous voyez bien que nous ne sommes que des gueux, nous ne pouvons pas comprendre ! Inclinons-nous devant leur vérité.

    • ZapPow dit :

      D’après mes observations, ceux qui remettent en cause le traitement médiatique de Mélenchon :
      – n’ont rien d’autre de plus intéressant à faire dans la vie;
      – sont des groupies, des fans,ne savent que se prosterner devant leur gourou, leur dieu vivant (ou ils sont lobotomisés, ont subi un lavage de cerveau, sont des sectaires incapables d’impartialité…
      – ne comprennent rien à la liberté de la presse, à la liberté d’expression, veulent établir une dictature (collectiviste);
      – manquent totalement de lucidité;
      Alors que le journaliste, lui, est objectif, neutre, lucide, ne cherche qu’à vraiment informer le peuple en voulant lui montrer le vrai visage des politiques, et les implications de leurs idées et programmes.

      Alors oui, il faut s’incliner, et les remercier de ce sacerdoce.

      • Observations objectives et désintéressées sans doute, libres de tout préjugé partisan?A moins que ce ce soit le besoin de croire: la foi en quelque sorte qui rend aveugle et sourd auquel il n’est guère de remède, même la psychanalyse s’y casse les dents.

        continuer à avaler les sornettes des médias, la foi vous prémunit de l’indigestion

  3. alabergerie dit :

    C’est quoi, Pézerat ?

  4. ZapPow dit :

    @ Frantz Camberlin

    Observations objectives, désintéressées, libres de tout préjugé partisan, et pleines d’ironie envers un discours souvent délivré par les opposants au FDG, ce dont vous semblez ne pas vous être aperçu. A moins que vous ne soyez d’accord avec ce qui se dit couramment des sympathisants du FDG, à savoir que ce sont les groupies d’un gourou, qu’ils pratiquent le culte de la personnalité, bla bla bla ?

    • à ce que j’en connais, les mouvements qui constituent le front de gauche sont constitués de militants en recherche d’une issue à la crise systémique. Je. La méthode promue du débat fraternel et néanmoins possiblement conflictuel dans le front de gauche comme dans les assemblées citoyennes permet d’asseoir l’énergie nécessaire sur l’examen raisonné des faits et des objectifs : l’antidote, en somme, aux dérives partisanes.
      C’est là l’essentiel .

      • ZapPow dit :

        Absolument. Mais vous avez dû remarquer que je ne m’en prenais pas aux militants du FDG, mais à ceux qui veulent présenter ces militants comme un troupeau bêlant se prosternant devant un dieu vivant, partisans d’un programme funeste, délirant.

    • déformation professionnelle : je suis confronté chaque jour à l’attachement des patients aux conflits qui génèrent leur souffrance. Mon incursion dans le champ politique me confirme que la foi est un puissant allié de l’obscurantisme, ce qui se traduit dans les faits par un déni de la réalité:ZapPow ne peut-il pas voir comme beaucoup d’autres qui sont la cible des médias politiquement intéressés à distiller le mensonge ?

      • ZapPow dit :

        « … la foi est un puissant allié de l’obscurantisme, ce qui se traduit dans les faits par un déni de la réalité. »

        Je ne peux qu’acquiescer. Mais je ne comprends pas votre question : il me semble que je vois parfaitement qui est la cible des médias politiquement intéressés à distiller le mensonge, mon ironie visant justement ces « distillateurs ».

    • après avoir lu plus attentivement vos commentaires, j’admets de ne pas en avoir saisi la portée et de quelle place vous vous positionnez. Fraternellement.

  5. willycat dit :

    les photos sont bien pourraves, on dirait De Funès

  6. nansouty dit :

    Dans une telle situation de crise , il est irresponsable de jouer avec les mots et tout le materiel de communication , pour mettre le trouble dans les esprits , avec l’intention de démolir … Pourtant la responsabilité est le devoir de base du journalisme : rendre compte de la réalité …

  7. Mijo Nansouty dit :

    Mélenchon est courageux ,de ne pas plus exploser devant les questions insidieuses , de trouver de quoi sourire , quand il est devant ce déploiement d’hypocrisie prétentieuse ,… Souvent il ne fait que réfléchir les laideurs non dites , … pas assez politique quoi ! pas de langue de bois … alors on photographie sa colère …. parce que la vrai joie c’est quand il tend la main à Syriza …espoir de pouvoir résister au refus de la finance ….

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