« Mélenchon = nazi » dans L’Express (29/04/13)

En décembre 2012, Jean-Marc Vittori, journaliste éditorialiste aux Échos, avait assimilé le Front de gauche au parti nazi grec Aube dorée (il appelle ça « localiser »). »Localiser n’est pas comparer », dit-il. Lorsqu’il a lu la critique de l’OPIAM, il est venu se justifier en disant que « Front de gauche commence par le mot « Front »« . Avant lui, Michel Denisot, autre journaliste très perspicace, avait observé au Grand Journal que, entre les « deux camps que tout oppose, quoi que […] ben oui oui oui, il y a des points communs : le mot front déjà ».

     Le 25 avril 2013, Jean-Luc Mélenchon s’est fait localiser en Corée du Nord par Jacques Attali, qui a quitté le plateau de télévision sur-le-champ sans que J.-L. Mélenchon puisse répliquer. Le 29, Jacques Attali a localisé cette fois-ci J.-L. Mélenchon en Allemagne nazie, chose qu’il n’aurait pas faite non plus en face de lui. Et il est fort regrettable que cet autre grand intellectuel se laisse aller à cette « réflexion » digne d’un Michel Denisot :

« Dans la forme, leurs noms ne sont pas innocemment voisins : Front national, Front de gauche. »

« Quand les extrêmes se rejoignent » – « pensées » de Jacques Attali publiées le 29 avril dans L’Express :

« Forme et fond : Front national et Front de gauche ont bien des points communs.
Les partis d’extrême gauche et d’extrême droite font tout pour apparaître distincts, et leurs différences sont évidemment majeures, sur un point au moins : leur attitude à l’égard de l’immigration. Pour autant, ils ont de plus en plus de traits en commun, tant dans la forme que sur le fond.
Dans la forme, leurs noms ne sont pas innocemment voisins : Front national, Front de gauche. Par ailleurs, ils se veulent l’un et l’autre des partis de gouvernement, qui font tout pour être respectables et respectés. Marine Le Pen crie à qui veut l’entendre qu’elle sera le prochain président de la République, et Jean-Luc Mélenchon, qu’il sera le prochain Premier ministre. Dans la forme, toujours, ils ne se privent ni l’un ni l’autre de dérapages verbaux, pour faire valoir leurs différences à l’égard des partis de gouvernement ou de ce qu’ils appellent l’« establishment », ou les « notables », qui regroupent les partis ayant jusqu’ici gouverné, les hauts fonctionnaires, les chefs d’entreprise et la plupart des intellectuels.
Sur le fond, leur ressemblance est plus forte encore, parce que, quoi qu’ils disent et quelle que soit la sincérité de leurs convictions démocratiques, leurs programmes respectifs conduiraient, s’ils étaient vraiment appliqués, à une sortie de l’euro (volontaire pour le FN, subie pour le Front de gauche) ; à une mise sous tutelle du budget par la Banque de France, pour financer la dette ; à un protectionnisme national, faute d’en obtenir un au niveau de l’Union européenne ; à une remise en cause du paiement de la dette publique, ce qui veut dire un arrêt de son financement par les prêteurs internationaux, et donc un repli sur les épargnants français, auxquels il faudrait imposer un emprunt forcé, nouveau nom de l’impôt. Le souverainisme rejoint ainsi le socialisme dans un projet conduisant inévitablement à un isolement du pays et à son effondrement économique, social et démocratique. Alors, contrairement à ce qu’ils croient, s’ils accédaient au pouvoir, le Front national devrait augmenter beaucoup les impôts, et le Front de gauche, interdire l’immigration. Dans un cas comme dans l’autre, sans résoudre le problème majeur, celui du chômage.
Cette mascarade ne serait pas grave, et il ne faudrait pas lui consacrer plus de trois lignes, si le risque n’était pas grand de voir aujourd’hui les partis dits « de gouvernement », paniqués par les sondages et leurs contacts avec les électeurs, calquer ces thèses et tenir les mêmes discours pour ne pas être débordés, l’un par la gauche, l’autre par la droite. L’extrême droite se glisse dans l’UMP ; l’extrême gauche dans le PS. Les uns et les autres ne se cachent plus, ils insultent ensemble, défilent ensemble, votent ensemble.
A la fin de ce marché de dupes, la classe politique française se trouverait tout entière alignée sur un seul et même projet, à la fois national et socialiste. A force d’avoir cherché à rejoindre chacun son extrême, on constatera que tous prônent les mêmes idées et défendent le même programme, évidemment antidémocratique, évidemment inefficace, évidemment honteux.
Toute la classe politique française veut-elle que la France ressemble un jour à la Corée du Nord ? Évidemment non. Il est donc urgent de réagir. Et qu’à droite comme à gauche les partis de gouvernement avancent des idées compatibles à long terme avec nos engagements internationaux et avec la démocratie, et affichent le courage de les défendre. Il n’est que temps, si on ne veut pas que les prochaines échéances électorales, locales et européennes, tournent au désastre rouge et brun. »

***

Résumons la pensée d’Attali :

Dans « Front de Gauche »  il y a « Front », comme dans « Front National ». Donc le Front de Gauche est nazi. D’ailleurs il prône « les mêmes idées » et « le même programme » « honteux » que le Front National.

(à part quelques détails comme la défense de l’égalité entre tous les citoyens, la convocation d’une assemblée constituante pour passer à une VIème République plus démocratique avec plus d’élections, la hausse du SMIC, la taxation du capital comme le travail, la lutte contre les paradis fiscaux, la défense du syndicalisme, de l’internationalisme, la relance de l’activité par la sécurisation de l’emploi, de grands travaux publics tournés vers le développement des énergies renouvelables et tous ces autres trucs gauchistes qui n’ont pas d’importance puisqu’en fin de compte, ce sera comme en Corée du Nord).

Le protectionnisme économique et écologique est nécessairement celui des marchandises et des personnes, donc une politique anti-immigration. Les écologistes sont donc eux aussi des Hitler en puissance.

Oui, oui, le national-socialisme et le socialisme, c’est la même chose. La preuve : dans « national-socialisme », il y a « socialisme » !

Attendez une seconde… Dans « Parti Socialiste », il y a « socialiste », comme dans « national-socialisme » ! Mazette ! Le PS est donc nazi lui aussi. Ah mais non, puisque lui n’est plus  socialiste. Ouf.

***

Le 7 avril 2013, J.-L. Mélenchon se faisait aussi localiser en Allemagne nazie dans le journal Le Parisien. Voir  » « Mélenchon = neonazi » dans Le Parisien (07/04/13)« .

Le 7 avril 2012, à quinze jours du premier tour des élections présidentielles, J.-L. Mélenchon et ses sympathisants se faisaient aussi localiser en Allemagne nazie dans un éditorial de Marianne, sous la plume du très nuancé Jacques Julliard : « Les enthousiasmes collectifs organisés, tels qu’on les pratiquait dans l’Allemagne nazie et la Russie soviétique, très peu pour moi. ». Voir « Mélenchon peut-il faire perdre Hollande ? », éditorial de Marianne, le 7 avril 2012.

On peut constater avec quelle obstination objectivité un grand nombre de journalistes localisent dans ce répertoire des techniques sournoises d’assimilation de la gauche à l’extrême droite de la localisation : « Mélenchon = Le Pen ». On peut aussi consulter la catégorie « Mélenchon pire que Le Pen ».

Prochainement : « Mélenchon = nazi » dans le journal Libération

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Une réponse à « Mélenchon = nazi » dans L’Express (29/04/13)

  1. Et le Front Populaire est le géniteur de tous ces partis français antidémocratiques…

  2. Laurence dit :

    En même temps, quand on emprunte sciemment le vocabulaire ordurier de l’extrême-droite, il ne faut pas s’étonner d’être traité de fascho de gauche (et de décevoir beaucoup d’électeurs). À force de brailler et d’insulter tout le monde, Mélenchon n’est plus qu’une caricature de lui-même que plus personne n’écoute.

    • O.P.I.A.M. dit :

      Chère Laurence, je ne voyais pas les choses sous cet angle-là, mais maintenant vous me faites douter, merci de m’avoir ouvert les yeux. Votre réflexion est une d’originalité et d’une profondeur à couper le souffle ; je vais longuement la méditer. Au XXIIIe siècle, on parlera de la grande philosophie Laurence, c’est évident. Vous êtes une inactuelle, une géniale incomprise, comme Nietzsche.

  3. morvandiaux dit :

    De Hitler à Mélenchon. Petite généalogie de la diabolisation visuelle
    http://www.acrimed.org/article4068.html

  4. Antoine Monamy dit :

    Je ne suis pas grand monde, mais je ne suis pas personne, et j’écoute Jean-Luc Mélanchon, je le lis aussi. Comment peut-on le voir comme un facho ? Seulement quand on se ballade avec des œillères ? Qu’est-ce qui déçoit les électeurs ? Le fait qu’il tente de faire vivre ce mouvement : l’humain d’abord ! ? Les électeurs ne doivent pas être des consommateurs mais des acteurs, alors, les déçus, en avant, prenez la parole, prenez le relais, on verra comment vous vous y prenez., En attendant, merci à tous ceux qui vocifèrent leur dégout de ce qui est et qui humblement, en y mettant tout leur être, cherchent à faire penser autrement, mettent un avant des possibles.

  5. Partageux dit :

    Tout cela sent la fin de de règne et la panique devant la débâcle qui se profile… Je bossais en Hongrie en 1989 et l’ambiance en l’Europe de l’Ouest (et pas seulement en France) me rappelle furieusement celle que je voyais alors en Hongrie. J’ai raconté ça dans Hongrie 1989, une chronique de mon blogue.

  6. Aurel dit :

    « En même temps, quand on emprunte sciemment le vocabulaire ordurier de l’extrême-droite, il ne faut pas s’étonner d’être traité de fascho de gauche (et de décevoir beaucoup d’électeurs). À force de brailler et d’insulter tout le monde, Mélenchon n’est plus qu’une caricature de lui-même que plus personne n’écoute. »

    Bien d’accord avec vous. Pour autant je trouve que l’analyse d’Attali est très simpliste. En effet Le Front de gauche est un rassemblement de partis républicains de gauche aux anti-podes de l’extrême droite au niveau des valeurs. Cela dit, au delà des idées discutables, une partie des mélenchonistes marxistes souverainistes éventuellement conspirationnistes n’ont absolument rien à envier à une partie des copéistes dont la droit pop xénophobe et pétainiste car ils se rapprochent du Fn tant par par une partie de leurs idées respectives que par leurs valeurs. De plus ils n’acceptent pas le front républicain lors de certaines élections.

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