Au mois de juin, Laurent Joffrin avait expliqué dans son éditorial du Nouvel Observateur « pourquoi Mélenchon a échoué » aux élections législatives, ainsi que le rapport qu’il y a selon lui entre la souffrance sociale des ouvriers et l’immigration. Bien entendu, établir ce rapport n’a rien de « populiste » ni de « démagogique »… Un peu moins de quatre mois plus tôt – le lendemain de la marche pour la VIe République et du rassemblement à la Bastille –, voici ce que disait encore Joffrin, habitué pourtant avec la meute de L’Express et la droite du Parti socialiste, à dénoncer le « populisme » de Mélenchon :
« Il y a un sous-titre dans son programme, qui à mon avis est d’une maladresse totale, c’est : « L’immigration n’est pas un problème ». Alors on peut se battre pour les droits de l’homme et se battre pour une politique d’immigration humaine, mais dire que c’est pas un problème, alors là les gens y r’gardent ça, y comprennent plus où y z’habitent, là.¹ »
Là encore, il n’y a bien entendu rien de « populiste » à parler au nom de « les gens ». Or c’est précisément cette presse-là et cette gauche-là qui ont vomi pendant deux ans un flot de « Mélenchon-populiste », « Mélenchon-démagogue », « Mélenchon-Le Pen », etc.
Il est amusant de voir comment cette presse et cette gauche se sont jetées sur Mélenchon chaque fois qu’il a parlé au nom du peuple. Il est aussi amusant de voir avec quelle réactivité elles se sont mobilisées pour lui laver la bouche avec du savon au moindre vilain mot prononcé contre un journaliste, contre Le Pen ou contre le capitalisme. Et il est surtout très amusant que cette presse et cette gauche soient devenues totalement muettes :
– chaque fois que Mélenchon s’est moqué des électeurs de Le Pen (et parfois de ceux de Sarkozy), et les a condamnés sévèrement. Au lieu, comme tout populiste qui se respecte, de les brosser, de les caresser, de les rassurer, il leur a dit qu’ils font du mal à leur patrie, qu’ils sont des « benêts », des « imbéciles », des « idiots », des « pas malins », des « crétins », des « gogols » « bêtes comme leurs pieds » ayant un « pois chiche à la place du cerveau », et que la pauvreté ne justifie pas le racisme. Pourtant, quoi de plus populaire que cette partie du peuple qui est raciste… populaire au point que le lendemain du premier tour, le Parti socialiste et Libération ont préféré s’adresser aux électeurs du Front national plutôt qu’à ceux du Front de gauche².
– quand il a déclaré à la radio³, à une heure de grande écoute, à propos du football : « ça m’a toujours choqué de voir des rmistes applaudir des millionnaires », et que « le foot, c’est l’opium du peuple ». Pourtant, quoi de plus populaire que le football ?
– quand il a « avoué » ne pas avoir de permis de conduire ni de voiture, provoquant l’hilarité de la foule stupide d’un plateau de télévision4, et n’avoir non plus « aucune attirance pour les voitures ». Pourtant, quoi de plus populaire, de sacré même, que la bagnole ?
Que n’ont-elles hurlé alors à l’élitisme, cette presse et cette gauche ? Non, elles ne l’ont pas fait car c’eût été reconnaître leur erreur. Jean-Luc Mélenchon est un des rares responsables politiques à dire que rien ne justifie le racisme, pas même les explications sociologiques. Voici l’extrait d’un discours qu’il a prononcé dans un colloque5 sur l’ “intégration républicaine” en avril 1997 – du temps où il militait encore pour l’interdiction du Front national – et à la ligne duquel il s’est toujours tenu :
« On m’objecte aussi cet argument que je juge plein d’angélisme : ceux qui votent pour eux [les Pen] ne sont pas tous fascistes. C’est sûr. Toux ceux qui ont voté Hitler n’étaient pas forcément pour la Shoah. Ils n’étaient peut-être pas pour le nazisme non plus : ils ne savaient pas ce que c’était. En attendant, ceux qui votent fasciste doivent tout de même bien s’attendre à voir un jour le fascisme arriver au pouvoir ! Donc je ne suis pas d’accord pour qu’on en disculpe aucun. J’ai entendu plusieurs fois des choses tout à fait inouïes sur le sujet, un curieux mélange de sociologie et de politique sans rigueur de pensée. Par exemple, on explique que le vote pour le F.N. c’est la réfraction des angoisses et des insatisfactions populaires. Et l’explication a l’air de tenir lieu d’excuse. Mais, chacun d’entre nous n’est-il pas fait aussi de frustrations, d’angoisses et d’insatisfactions ? Sommes-nous tous des préfascistes pour autant ? Il n’y a pas de lien automatique entre la misère et le fascisme. Il n’y a pas l’excuse de la misère pour devenir fasciste. Je respecte évidemment les gens qui sont dans la difficulté. Mais je les trouve stupides quand ils sont fascistes et je condamne leur comportement. Et je les approuve quand ils sont de gauche. Comment voulez-vous faire autrement en démocratie que de prendre les gens au sérieux ? […] Ceux qui votent pour lui [Le Pen] savent ce qu’ils font et se comportent, qu’ils le sachent ou non, en ennemis déclarés de notre République. Leur reconnaître des excuses, c’est les mépriser et sous-estimer leur capacité de nuisance. Ainsi, en France, le racisme et l’antisémitisme ne sont pas considérés comme des opinions mais comme des délits, punis sévèrement. »
Pour ceux qui ne le connaissent pas encore, ce zapping sur le thème « Mélenchon = populiste = Le Pen » permet parfois de clouer le bec aux perroquets qui répètent ce qu’ils entendent dans les médias :
Notes :
1. Dans ce « duel des éditorialistes » à France Info
2. Une de Libération le 24 avril.
3. À RTL dans l’émission d’Aphatie
4. Dans l’émission « Face aux Français… conversations inédites » diffusée sur France2
5. Colloque de Labège, organisée par le Conseil Général de Haute-Garonne.