Ce n’est pas la parole « crue et drue » qui affole le Parti médiatique,
c’est la parole de gauche
Analyse de Luc, militant politique et syndicaliste
Jean-Luc Mélenchon est souvent représenté dans la presse écrite en bête hirsute, décrit comme « éructant » (c’est à dire rotant) avec des photographies soigneusement choisies pour le montrer hurlant, vociférant, et l’accusant aussi de tous les maux. Bien évidemment, la presse s’en défend, mais les preuves en ce sens sont tout de même bien trop nombreuses pour qu’il s’agisse comme elle le prétend d’un pur hasard.
Pour s’en défendre, les directions de la presse écrite estiment que Jean-Luc Mélenchon serait narcissique, ou quelque chose de ce genre. En même temps, lorsque tous les autres personnalités politiques (surtout Marine Le Pen) ont systématiquement droit à des illustrations flatteuses, on peut penser qu’il y a quand même de quoi être un brin froissé, sans être un Narcisse.
L’autre refrain entonné est celui de la profonde nuisance de J.-L. Mélenchon pour son camp. En effet, faisons un effort et revenons à la campagne présidentielle de 2012. L’argument des médias écrits et audiovisuels (ne les oublions pas, ce serait injuste) au fil des articles, des commentaires ou des interviews, était que la candidature de Jean-Luc Mélenchon était inutile, car elle divisait la gauche, était trop à gauche, alors qu’on avait déjà un candidat bien assez à gauche en la personne de François Hollande (qu’en pensez vous, maintenant ?), et que de toutes manières Mélenchon était condamné à ne jamais pouvoir être élu, et chaque gain de pourcentage d’intention de vote pour lui était une catastrophe pour la gauche en général, comme c’était abondamment souligné. On connaît la suite : Mélenchon a quand même fait 11 %, Hollande a quand même été élu, et il mène une politique bien à gauche comme promis par cette presse pour qu’on vote pour lui et non pour Mélenchon…
Cependant, on voit fleurir des explications ça et là, y compris au sein de partenaires du Front de gauche, selon lesquelles une telle attitude de la presse n’était pas due au fait que la direction d’à peu près tous les organes de presse est vendue aux puissants, pour lesquels Mélenchon, le Front de Gauche et leurs idées étaient un danger en cas de victoire de leur part, mais simplement à la personnalité et au mauvais caractère réel ou supposé du candidat. La preuve étant que les autres candidats de ce courant politique n’étaient pas traités comme ça.
Ces assertions étaient déjà ridicules à l’époque. En effet, mémoire courte oblige, on a oublié comment les candidats oscillant entre 0 et 4 % des voix étaient traités d’habitude (même procès en inutilité, mais avec un brin d’amusement et de mépris pour ces épouvantails folkloriques, Hue, Buffet, Bové, Besancenot, Schivardi, Gluckstein, Joly, Voynet, etc.). Et il faut ajouter qu’aucun d’entre eux n’avait jamais atteint même dans les sondages un score assez proche de celui de Mélenchon pour qu’il commence à être envisagé comme une menace potentielle (Mélenchon est monté jusqu’à 17 % d’intentions de vote, du jamais vu pour un candidat de gauche non PS depuis 1981). Par conséquent, il a déchainé beaucoup de haine, tant de la part de la droite qui se sentait menacée que de la presse « hollandaise », qui risquait de voir son poulain (qui était, on le rappelle bien assez à gauche comme ça) dépassé.
J’avais la conviction que ça aurait été la même chose pour n’importe quel candidat de gauche faisant de telles performances. Mais bon ça n’était qu’une conviction.
Et voilà qu’hier, Jérémy Corbyn a été élu à la tête du parti travailliste britannique. Je voudrais souligner à quel point, mis à part le positionnement politique, il ne ressemble pas à Mélenchon. Corbyn ne hausse jamais la voix, n’est pas amateur de « petits phrases » (comme disent les journalistes), ne fait pas d’attaques personnelles, est végétarien (une cause de haine, ça par contre), ne porte presque jamais de costumes, n’attaque presque jamais les médias (le pire qu’il ait fait est de demander très poliment lors de son discours d’investiture aux journalistes de laisser tranquilles ses proches qui n’ont rien demandé et de les laisser continuer à vivre leur vie). Et même ses adversaires reconnaissent qu’il est l’une des personnes les plus polies, les plus simples, et charmantes que l’on puisse trouver (http://bit.ly/1VVzbZK, en anglais)
Je précise que ceci n’est pas une critique de l’un ou de l’autre, mais juste un constat, histoire de montrer qu’ils ont vraiment des personnalités différentes.
Et bien peu importe, la presse française est déjà catastrophée devant l’arrivée au pouvoir de cet homme de gauche (Blair, c’était si bien ! Et c’était surtout déjà bien assez à gauche). Et il a donc droit à un traitement médiatique proche de celui de Mélenchon, comme l’a bien souligné Arrêt sur images http://bit.ly/1injSer (allez voir, vraiment). Il est dangereux, il est inutile, il est nocif pour son camp, et surtout, il ne peut pas gagner. Et si on peut le rapprocher de Freddy Krueger, ce n’est pas mal non plus. Je parle ici de la presse française, mais il faut savoir que la presse britannique est pire encore (forcément, il est de leur pays).
Ce traitement n’est donc pas lié à Mélenchon, ni à Corbyn, c’est juste du au fait qu’ils sont de gauche.
Et la presse a décrété « vous êtes de gauche, vous méritez la mort ».
Bonne analyse ! Le rapprochement fait avec Corbyn est parlant. Mais on pourrait prendre d’autres exemples dans l’Histoire. Depuis Tsipras (jusqu’au référendum grec) à Mc Govern il y a belle lune.