Dans son article du 5 janvier (« En France, un Front pas si populaire »), le journaliste de Libération écrit :
« Le député européen comptait récupérer presque « automatiquement » les déçus de Hollande. Mais, s’ils sont aussi nombreux que Mélenchon pouvait l’espérer, ils partent davantage grossir les rangs des abstentionnistes que ceux des électeurs du Front de gauche. Et pendant ce temps-là, Marine Le Pen, elle, mobilise. La faute à qui ? Selon lui, à Hollande et Valls qui ont « volé le mot gauche » et « achèvent de discréditer le mot chaque jour ». »
Oups ! En pensant à la place de Mélenchon et en ne citant que ce qui l’intéresse, Alemagna a oublié de mentionner le lepénisme médiatique. Oh, trois fois rien. Évidemment, si Le Pen mobilise, tout le monde est fautif sauf le Parti Médiatique. Alors que Le Pen elle-même exige que son parti soit qualifié de « droite nationale » et qu’elle-même appelle à une « recomposition de la droite » autour du Front national, il est de plus en plus courant que des journalistes présentent l’extrême droite comme une version plus attrayante de la gauche. On peut en voir plusieurs exemples avec BFM TV (« Le Front national plus rouge que Mélenchon », 13.02.2013), Libération (« Et si le FN était plus à gauche que François Hollande ? », 02.06.2014), Le Point (« Le FN, parti « hard left » », 23.02.2014) ou encore Le Nouvel Observateur, qui affirme que Le Pen est le « seul recours à gauche », et qu’elle a « des idées sociales » (01.09.2014)*.
Marine Le Pen mobilise. La faute à qui ? Oh, seulement à Hollande et Valls :
Si Alemagna ne cite que Hollande et Valls comme responsables du succès de Le Pen, c’est peut-être parce qu’il a du mal à assumer le lepénisme ambiant non seulement de sa profession, mais aussi de son propre journal :
Tiens, une page entière de publicité (138 000 euros) pour une manifestation d’extrême droite contre les homosexuels dans le journal Le Monde. Ce n’est pas du tout une incitation à voter pour Le Pen. La faute à Hollande et Valls tout ça ! Voici la page 11 de l’édition du 11 avril 2013, située entre la rubrique « politique » et la rubrique « société ». Il s’agit d’un véritable tract contre les homosexuels :
Tiens, une photo glamour de Le Pen telle une actrice de cinéma dans Le Monde ! Encore la faute à Hollande et Valls ça !
Et encore dans le journal Le Monde, une belle image de Le Pen, alors que Mélenchon est assimilé, lui, à Hitler…
Enfin, si Lilian Alemagna ne cite que François Hollande et Manuel Valls comme responsables du succès de Marine Le Pen, c’est aussi peut-être parce qu’il lui arrive de parler… comme elle (voir ces trente cas de journalistes qui parlent comme Le Pen).
Sur le lepénisme médiatique, voir aussi l’analyse d’Antoine Léaument « Lepénisme médiatique : a-t-on changé Le Monde ? », et les archives de l’Observatoire.
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Note : « contribution »* de Max Leonart, présenté comme « fonctionnaire anonyme ». La contribution est titrée « Fonctionnaire, je suis déçu par le PS… et certains de mes collègues rallient le FN ». L’en-tête indique que le texte est « sélectionné par le Nouvel Obs ».
Vous êtes dur avec ce journaliste alors qu’il ne fait que chercher son chemin de croix (gammée ! )
Tu donnes une petite série d’exemples qui valent bien mieux que de très longs discours.
Ceux qui dénient tout pouvoir à la presse peuvent jeter un œil sur la procession d’aujourd’hui. Et jeter aussi un œil sur le contenu de la presse. On y voit de très nombreuses lignes consacrées aux journalistes de Charlie, une ligne pour les deux policiers et le seul nom de Frédéric suivi de « agent d’entretien ».