Canal+ a coupé au montage une question hostile à Marine Le Pen
Le Petit Journal est le plus nocif de tous les médias. En terme d’audience, il est bien plus nocif que Libération, surtout depuis que Libération est le moins vendu des journaux quotidiens français. Il est bien plu nocif que Libération, car il répand davantage le dégoût de la politique chez ses spectateurs. C’est d’autant plus pervers que Le Petit Journal se camoufle derrière l’humour, alors qu’il combine information et spectacle. Les membres de l’équipe du Petit Journal ont bien une carte de presse. Ils sont journalistes. Plus de six cartes de presse ont été refusées à l’équipe du Petit Journal en juin 2012 par la commission qui délivre les cartes de presse (CCIJP). Une était en attente. Les médias n’en ont plus parlé depuis. Mais à l’époque, même le Huffington Post expliquait « Pourquoi il faut retirer la carte de presse aux journalistes du « Petit Journal » (ou pas) ».
Le Petit Journal est le plus nocif de tous les médias, car l’équipe de Yann Barthès prétend « taper sur tout le monde équitablement », mais n’hésite pas à truquer ses « reportages », à provoquer, harceler et injurier pour produire ce dont elle fait sa devise : « Du clash et du buzz ». Prétendre démasquer les mensonges, les manipulations et la langue de bois de ce qu’elle appelle « les politiques » (catégorie insensée, car elle gomme toute différence entre droite et gauche) tout en mentant et en manipulant, il fallait oser, mais ça marche.
Le Petit Journal est le plus nocif de tous les médias, car il se prétend non seulement « décalé », « rebelle », « impertinent », « insolent » (ce qui plaît aux jeunes), mais aussi neutre, objectif et non partisan… comme le prouve cette photographie :
Mais bien entendu, le journaliste a fait ce geste à l’insu de son plein gré, etc. Croyons-le sur parole. De plein gré ou pas, le « Tous pourris ! » né de l’inculture politique rejoint le « Tous pourris » d’extrême droite.
Le Petit Journal est pire que RTL ; cette radio a aussi un auditoire très important, mais il est déjà largement acquis à la droite et à l’extrême droite : commerçants, routiers, taxis, médecins. Le Petit Journal vise les jeunes. Ils étaient nombreux à interpeller les militants du Front de gauche quelques jours avant les élections présidentielles de 2012, en leur demandant des explications sur les pratiques « tyranniques » de Mélenchon ! Logique : le 19 janvier 2012, ils avaient vu un reportage du Petit Journal de 8 minutes, en noir et blanc, version télévision d’État, montrant Mélenchon en stalinien censeur de la presse. Arrêt sur Images a consacré un article bien détaillé à ce « reportage », qui n’est pas autre chose qu’un acte militant non assumé.
Et tant d’autres, persuadés que Le Petit Journal « ne sert la soupe à personne » se sont laissés manipuler par d’autres trucages visant Mélenchon et d’autres militants politiques tant de gauche que de droite. Sur ce point, Mélenchon parle de « la fabrication d’une culture du dégoût pour la politique » :
« Sous prétexte d’indépendance, de « refus de servir la soupe », prévaut une manière de faire injurieuse qui ne tient aucun compte ni des idées ni du programme mais seulement des aspects personnels de la lutte, du jeu des ambitions réelles ou supposées, des personnes. » (note de blog du 11 sept. 2014)
Tout personnaliser, tout rendre bouffon, tout remettre en cause sans jamais véritablement parler de politique, cela met tout simplement la République en danger. La vie politique ne peut survivre si elle est entièrement réduite à du spectacle. Voilà l’équation dangereuse du Petit Journal : politique = personnages = bouffons. Cela alimente le « tous-pourris » cher à l’extrême-droite et provoque le détournement d’une partie du peuple de son destin. La satire politique et la critique politique les plus acerbes sont nécessaires en république, mais elles ne peuvent vivre sainement que dans le cadre d’analyses et de débats de fond qui doivent constituer l’essentiel de l’information politique. Aujourd’hui, les analyses et les débats de fond sont presque tous faussés, voire inexistants.
Ces quelques mots de Yann Barthès incarnent parfaitement le nihilisme typique du Petit Journal :
« La politique m’a toujours intéressé. J’adore ce petit théâtre.
La vie de tous ces personnages m’excite. »
(Entrevue avec « M », « Le magazine du Monde », 28.01.2012)
Face à ce nihilisme, il faut une révolution dans les médias. Il ne peut pas y avoir de VIème République sans révolution dans les médias. Voici quelques propositions relatives aux médias, issues du chapitre I (« Refondation républicaine ») du programme du Parti de gauche (entièrement consultable à l’adresse http://programme.lepartidegauche.fr/pg/programme) : 15. Écoles de journalisme : pour un pôle public de la formation ; 16. Pour des médias citoyens et populaires ; 14. Assurer le pluralisme des médias ; 18. Changer les conditions d’exercice du métier de journaliste ; 17. Élection du président de France Télévisions par les citoyens.
Après ce long rappel sur ce qui n’est qu’un échantillon des méthodes du Petit Journal, voici un article de Sébastien Rochat, paru le 16 décembre 2014 sur Arrêt sur Images, à la suite du nouveau cas de lépénisme et de trucage au Petit Journal :
CFDT pro-Le Pen ? Exclusion d’une militante après une séquence du Petit journal
Mais Canal+ n’a pas tout montré
« Encouragez-nous à voter pour vous ! ». C’est une séquence embarrassante qu’a diffusé Le Petit journal de Canal+ vendredi 12 décembre : Marine Le Pen a été accueillie chaleureusement par une militante de la CFDT au salon des services à la personne à Paris. Circonstance aggravante : Canal+ assure que le parcours de la présidente du FN avait été prévu à l’avance et que tous les responsables de stand avaient été prévenus. Ce que dément la CFDT, qui a exclu la militante en question et assure qu’il s’agit d’un dérapage individuel. La preuve ? Canal+ n’aurait pas diffusé une autre séquence, moins favorable à Marine Le Pen. Yann Barthès a compris pourquoi le FN était arrivé en tête des élections européennes : la dédiabolisation du FN initiée par Marine Le Pen fonctionne parfaitement. Illustration avec une séquence tournée lors du salon des services à la personne à Paris le samedi 6 décembre. Le Pen a pu déambuler dans les allées sans rencontrer la moindre hostilité. Elle a même été très bien accueillie au stand de la CFDT. « Encouragez-nous à voter pour vous », lui lance alors une militante, en appui d’une question d’une autre militante qui souhaite savoir ce que Le Pen compte faire pour améliorer les services à la personne. Une séquence d’autant plus embarrassante pour le syndicat que Canal+ démontre que le service de presse de Le Pen avait préparé la visite bien en amont, en contactant chacun des responsables de stand pour s’assurer que Le Pen serait bien accueillie. Une séquence accablante pour la CFDT : Au lendemain de la diffusion de cette séquence, la CFDT Services a publié un communiqué pour préciser que « l’adhérente CFDT qui a souhaité la bienvenue à Mme Le Pen a été radiée immédiatement par le syndicat des services à la personne d’Ile-de-France ». Le syndicat en profite pour rappeler son combat contre le FN.
Un peu court. Car plusieurs questions restent en suspens : les responsables du stand de la CFDT avaient-ils été prévenus de la venue de Marine Le Pen ? La militante exclue était-elle au courant de sa venue ? Pourquoi les autres militantes CFDT ne sont-elles pas intervenues ?
Selon nos informations, contrairement à ce que sous-entend Canal+, il n’était pas prévu que Marine Le Pen passe par le stand CFDT, le responsable du bureau de Marine Le Pen n’a pas contacté la CFDT pour préparer la visite. Par ailleurs, Canal+ a coupé au montage une question beaucoup moins conciliante à l’égard de Marine Le Pen. Contactée par @si, Bahija El Andaloussi, militante CFDT qui apparait juste derrière la militante pro-Le Pen, nous assure qu’elle a également interpellé Marine Le Pen : « L’échange a été très froid. Je lui ai dit que si elle arrivait au pouvoir, pour moi, ce serait la double peine car je suis syndicaliste et étrangère ».
Dans le cercle rouge, Bahija El Andaloussi. Pas vraiment bienveillant pour Le Pen. Mais Canal+ n’a pas diffusé la séquence. La suite, c’est Flavie Bolard, de la fédération CFDT Services, également présente sur le stand, qui nous la raconte : « Les journalistes du Petit journal sont revenus voir Bahija pensant que c’était elle qui avait souhaité la bienvenue à Marine Le Pen. Ils voulaient l’interviewer. On leur a dit que cette personne (qui avait souhaité la bienvenue, NDR) venait de partir mais que ce n’était pas représentatif de la CFDT. Ils nous ont dit que de toute façon, ils avaient les images et qu’ils allaient les diffuser ». A défaut d’une interview d’une CFDT pro-Le Pen, l’équipe du Petit journal a accepté de filmer Bolard et El Andaloussi affirmant que la CFDT était contre le Front national. Une forme de rectificatif qui ne figure pas dans le montage final du Petit journal.
Contacté par @si pour savoir pourquoi l’interpellation de Marine Le Pen à propos de la double peine n’avait pas été diffusée dans le Petit journal, le producteur de l’émission, Laurent Bon, n’a pas retourné nos appels.
l’humour laborieux est l’oxymore le pire qu’on puisse imaginer. Bien sûr, il y a l’éternel clown triste qu’à canal il faut cacher. Canal est né du rire programmé. Faut pas le dire. HI HI HI !
Je vais être franc avec vous, je crois être quelqu’un de très politisé (trop, souvent) ; je crois également ne pas être trop abruti ; j’ai pourtant mis un peu de temps à tout percuter, il a fallut que je remonte les liens, toussa ; finalement je m’accorde avec le fond du propos (on peut pas faire autrement), et précisément parce que j’y souscrit alors le problème ne vient pas tant du petit journal mais du fond dénoncé ici et auquel le petit journal participe effectivement, mais comment ne le pourrait-il pas alors que ce n’est précisément pas son objet de faire de la vraie info ?
Le petit journal ne s’est jamais caché de ses arrangements avec les faits, a
Le problème vient toujours du fond mis en évidence, à savoir que les médias qui ont eux prétentions à faire de l’information sérieusement ne le font pas.
On ne peut faire autrement que s’accorder sur le fond, et précisément parce qu’on y souscrit alors il devient clair que le problème ne vient pas tant du petit journal mais du fond, auquel le petit journal participe effectivement, mais comment ne le pourrait-il pas alors que ce n’est précisément pas son objet de faire de la vraie info ?
Le petit journal ne s’est jamais caché de ses arrangements avec les faits, a toujours assumé que c’était pour le lulz et l’auteur de ce billet reconnait lui-même qu’ils appliquent les mêmes méthodes à tous « tant de gauche que de droite ».
Le problème vient bien du fond mis en évidence, à savoir que les médias qui ont eux prétentions à faire de l’information sérieusement ne le font pas.
Donc je continuerai à rire des montages facétieux du petit journal et à ne pas rire des sérieuses approximations et autre sérieuses manipulations des grands journaux, les choses seront bien ainsi.
Le PJ a toujours assumé ? Et ne s’est jamais caché de ses arrangements avec les faits ? Ben voyons. Le PJ est plus vicieux que les grands journaux dits sérieux, dans la mesure où les gogos le croient justement plus sérieux et déontologiques que les journaux dits sérieux.
Et vous parlez d’arrangements avec les faits. Mais pour ce qu’ils ont fait par exemple à Mélenchon sur Chavez, c’était de la pure propagande : http://www.acrimed.org/article3830.html
Ainsi que le reportage en noir et blanc. Montages facétieux ? Non : grossière propagande avec volonté de faire la morale. Assumer de faire des montages pour faire rire, d’accord. Mais quand le montage est un acte de militantisme politique ?