Un journaliste entend des choses dans la rue. Il informe les Français qu’ils choisiraient Le Pen plutôt que la « zizanie » de la VIème République
Dans son éditorial paru le 26 septembre dans Marianne, « Non à Nicolas II ! », Jacques Julliard écrit :
« Pour faire face à cette échéance, Jean-Luc Mélenchon, qui s’est retiré des affaires courantes, a son idée : c’est la guérilla politique permanente. Car sa VIe République, avec notamment la révocation possible à tout moment de tous les mandats en cours, c’est l’organisation scientifique de la zizanie. C’est la zizanie inscrite dans la Constitution. Si les Français devaient n’avoir de choix qu’entre la zizanie et Marine Le Pen, devinez ce qu’ils choisiraient ! »
Julliard, soucieux de la Charte d’éthique professionnelle des journalistes, a juste oublié un détail : Mélenchon répète depuis des années que la VIème République vise à combiner l’initiative populaire avec la stabilité des institutions. La zizanie, la révolution permanente, c’est dans la tête du journaliste. Sans doute aussi le journaliste trouve-t-il que sa chère Vème République modifiée plus de vingt fois, c’est la stabilité.
Ce que le journaliste entend dans la rue
« Il paraît, nous disent tous les Diafoirus de la scène politique, que le président a trop de pouvoirs. Ce n’est pas ce que j’entends dans la rue, où les gens se plaignent plutôt qu’il ne fasse rien, c’est-à-dire qu’il n’utilise pas ceux dont il dispose. Je ne dois pas fréquenter les mêmes rues que les professeurs de droit. »
Du grand journalisme d’investigation, une fois de plus très respectueux de ce que proclame la Charte d’éthique professionnelle des journalistes à propos des sources :
« La notion d’urgence dans la diffusion d’une information ou d’exclusivité ne doit pas l’emporter sur le sérieux de l’enquête et la vérification des sources. »
Ce que j’entends dans la rue : « Julliard se répète d’éditorial en éditorial », « il gerbe sur tout le monde car lui seul sait ce qu’est la seule politique possible : la sienne ». « Julliard rêve d’être au pouvoir ». « Julliard a raison : Mélenchon et Le Pen c’est la même chose, mais quand même je préfère Le Pen, car au moins Le Pen c’est pas zizanie ».
Le journaliste n’est « favorable à personne » (ce n’est plus de son âge)
« Je ne suis favorable à personne. Ce n’est plus de mon âge. »
Ces deux articles montrent en effet que le journaliste n’est favorable à personne :
– « Mélenchon peut-il faire perdre Hollande ? », Marianne, 7 avril 2012
– « Contre le « Hollande bashing » », Marianne, 6 mai 2013
Il y a aussi cet article, qui n’est pas de Julliard, mais qui est paru dans son journal :
– « Sans stratégie claire, Mélenchon tape sur Hollande », Marianne, 29 mai 2012
Prophéties auto-réalisatrices et lâcheté des journalistes
« Si les Français devaient n’avoir de choix qu’entre la zizanie et Marine Le Pen, devinez ce qu’ils choisiraient ! »
Un très grand nombre de journalistes aiment Le Pen. Beaucoup ne l’aiment pas, mais la préfèrent à Mélenchon qui, à 6 ou 11%, incarne le mal absolu en raison des valeurs qu’il répand par ses discours populistes-démagogiques : amour, partage, culture, liberté, égalité fraternité. Aucun d’eux n’assumant son choix, l’un des moyens de propager leur lepénisme est donc de dire que le peuple est de plus en plus lepéniste. Les citoyens lisent les journalistes qui, après avoir bien dédiabolisé Le Pen, sont nombreux à annoncer qu’elle va gagner. Ces journalistes influencent les citoyens… qui vont donc voter pour Le Pen. Et bien entendu, leur lâcheté n’ayant aucune limite, les mêmes journalistes viendront ensuite accuser Mélenchon – qui pratique le surf et l’escalade populistes – d’être responsable de l’élection de Le Pen.
Bref, le journaliste est toujours un saint. Il a les pleins-pouvoirs (calomnier, injurier, assimiler un républicain socialiste à un nazi, à « la chienlit des dégénérés fascistes », à Hitler, ce que fait régulièrement Jacques Julliard dans Marianne, où personne ne conteste le gourou, mais où l’on est en revanche très prompt à dire que Mélenchon est un « gourou », une « rock-star » pour ses « fans », ses « adeptes » et autres « fidèles », etc.). C’est la liberté de la presse.
La liberté de la presse, c’est aussi de marteler quotidiennement que hors de l’UMP et du PS, point de salut – ce qu’a fait récemment le journal Libération, appellant à une élection présidentielle à un tour, deux candidats, un seul programme (« 2017 : vers une élection présidentielle à un tour », 3 juillet 2014). Et Libération milite comme Jacques Julliard contre la VIème République (« Le mythe de la VIe République », 4 septembre 2014).