Quatre cas d’une pratique du lol-journalisme
Dans son article du 25 janvier 2012 titré « Mélenchon frappe au cœur », le journal L’Est Républicain avait nommé Mélenchon par son nom, et Le Pen par son prénom – l’un des nombreux moyens innocents, neutres et objectifs dont use la presse pour rendre l’extrême droite attrayante. Le 2 juillet 2014, le journal Le Figaro a fait ma même chose, dans « Bercoff : la chasse au Sarko continue ». Extrait :
« De Mélenchon à Marine, le souhait est le même: kill Sarko. Que l’on en finisse. »
Le même jour, cette phrase est citée dans Le Temps (« Sarkozy, le choc d’un ex-président en garde à vue, et maintenant inculpé »).
Le 4 juin 2014, dans l’avant-dernier paragraphe de son article « À Tergnier, on vote FN « pour leur faire peur là-haut » », la journaliste du Monde Anne Villechenon écrit :
« Derrière la contestation se devine l’envie de retrouver un statut, une place au sein d’une société qui ne représente plus la classe ouvrière. La rébellion ne se niche plus dans le vote rouge mais bleu marine, avec l’espoir de mettre à mal le système politique actuel. »
Et voici quel extrait de l’article est mis en évidence : « « Le FN sait parler aux ouvriers, à ceux qui n’ont pas beaucoup de sous » ».
Involontairement, la journaliste valide donc la stratégie de dédiabolisation de Marine Le Pen, puisqu’elle fait des citations sans aucune critique, qui banalisent et répandent le lepénisme. Quel peut bien être l’intérêt de lire des citations de lepénistes décomplexés dans les médias, sans aucune analyse de ces propos ? Cela conduit les lepénistes à être davantage décomplexés. C’est un cercle vicieux.
« C’est pour leur faire peur, là-haut, qu’on vote FN. Si ça permet de faire évoluer les choses… », avance Michel, ouvrier socialiste qui a voté pour la première fois Le Pen dimanche.« Le père, j’aurais pas pu. Mais la fille, elle s’adresse à nous. Avec Hollande, on s’est fait avoir. »
Pour le coup je ne suis pas sûre de l’interprétation qu’il faille donner à cette différence… de traitement. Et s’il s’agissait tout bêtement de sexisme. Les machos, c’est bien connu, appellent facilement les femmes par leur prénom, les hommes par leur nom. Mais je veux bien croire s’agissant de Libé à la tendance amicale envers le FN.
encore un effort et Libé sera mort
Pendant la campagne de 2007, Royal se faisait appeler Ségolène pendant que Sarkozy se faisait appeler Sarkozy. LaCamille a amplement raison, je pense que vous avez fini à chercher n’importe quoi pour démontrer la soi-disante union de tous les jornalistes contre mélenchon.
Ce serait bien stupide de dénoncer une « union de tous les journalistes contre Mélenchon ». Ils peuvent dirent la même chose les uns les autres chacun de leur côté sans être unis. À la fin ça fait un choeur. Mais qui a parlé d’union ? Ils sont formatés dans les écoles de journalisme, ils ne pensent pas. Il n’y a pas d’union. Il y a des moutons de Panurge.
LaCamille et engine : Ce n’est pas du machisme, c’est de la communication. Ségolène Royal tout comme Marine Le Pen utilisent une ficelle de la communication, celle de la proximité, jusque dans l’appellation. William Clinton avait utilisé la même en 1992 en se faisant appeler « Bill », sauf qu’à l’époque les médias américains étaient moins complaisants que les médias français en 2007 et 2012, et n’avaient relayé qu’à moitié l’opération de communication en adoptant le diminutif tout en continuant d’y accoler le nom. Mais les journalistes français, eux, relaient sans aucune distance les ficelles de communication de certains politiques, et ainsi appellent Ségolène Royal « Ségolène » et Marine Le Pen « Marine ».
Au passage, « Marine » et « Ségolène » ne sont pas les seules à user de cette ficelle de communication. « Nicolas » en est un tel virtuose qu’il parvient à alterner les appellations, entre « Nicolas », « Nicolas Sarkozy » et « M. Sarkozy » en fonction des circonstances. Une information glamour ? C’est « Nicolas » qu’elle concerne. Au contraire, les affaires politiques s’adressent à « Nicolas Sarkozy ». Et les affaires d’état (notamment internationales), avec la hauteur de vue qu’elles nécessitent, ne sont l’affaire que de « M. Sarkozy ».
Un rôle de relais de communication que les médias occupent jusqu’à reprendre à leur compte comme des vérités les « éléments de langage » des PS, UMP et FN, plus rarement UDI-MoDem et EELV, et même jusque dans les désignations qu’ils donnent de ces formations (souvenez-vous des occurrences de « mouvement populaire » pour désigner l’UMP, une appellation lancée par Nicolas Sarkozy en 2006 et qui a été complaisamment employée par les commentateurs durant son quinquennat) et les codes couleurs employés (le FN passant du marron au bleu sombre dans les infographies exactement au moment du lancement du « Rassemblement Bleu Marine »).
En revanche, la communication de la gauche conséquente, elle, n’est absolument pas relayée. Combien de commentaires journalistiques utilisent spontanément (et contre toute logique politique) l’appellation « extrême-gauche » pour le Front de Gauche, alors que « extrême-droite » pour le FN (qui pour le coup est politiquement justifié), malgré le pataquès médiatique provoqué par les dirigeants de ces partis, n’est pratiquement plus employé dans le champs médiatique, depuis longtemps déjà, que par des politistes interrogés sur ce parti.
Pour compléter, je me souviens même pendant cette campagne d’une chanson parodique produite intitulé « sarkozy et ségolène ». si vous tapez sur youtube : « sarkozy et segolene chanson », les trois premiers résultats sont bien « sarkozy et segolene ». Bonne chance pour trouver, « Nicolas et Royal », dans un media pendant cette campagne, je ne pense que vous trouverez.
Très bon argumentaire d’Alexis!
Ping : « Le Monde » fait (encore) le jeu du FN