Mimétisme ordinaire dans la presse neutre et objective 3/5

     Voici une illustration neutre et objective parue au moins sept fois dans la presse entre mai 2012 et janvier 2014. Cette illustration semble avoir paru pour la première fois le 12 mai 2012 dans le journal La Provence. Le lendemain et le 31 mai, elle a été utilisée sur le site d’Alain Soral, « Égalité & Réconciliation », repère francophone de tous les antisémites et néonazis. Elle a aussi été utilisée par d’autres militants politiques d’extrême droite, notamment par un candidat du Front national et rédacteur du site « FN Infos », François Vial, dans son texte « Le front de la haine est de retour ! » (26 juin 2012). Ce même militant du FN avait aussi utilisé une autre photographie qu’on retrouve presque exclusivement sur des sites d’extrême droite (voir « Mélenchon, le petit père des pleutres, ou chronique d’un « pschitt » annoncé« , 11 mai 2012). Cette photographie très favorable à Mélenchon a servi à l’origine à illustrer un article très neutre et très objectif (« Dix questions sensées à l’insensé Mélenchon ») du journaliste de Lyon Capitale Didier Maïsto (voir « Illustration neutre et objective dans Lyon Capitale« , OPIAM, 06.12.2013). Elle a aussi illustré un article de Serge July paru dans Les Inrockuptibles (« Le combat anti-Le Pen et anti-Hollande de Mélenchon« , 17.05.12), puis a été supprimée de l’article (mais apparaît toujours dans les résultats de recherche par mot-clé sur le site Internet des Inrockuptibles).

Le choix de ce genre de photographie n’est pas anodin. Souvent, ce sont des portraits d’un Mélenchon soucieux, grimaçant ou crispé par l’effort oratoire, qui sont retenus, plutôt que des portraits neutres, ou des portraits où il sourit. Dans son analyse iconographique « De Hitler à Mélenchon. Petite généalogie de la diabolisation visuelle« , l’historien André Gunthert explique quelque chose d’essentiel : « ce sont les choix narratifs qui orientent la représentation visuelle, et non le contraire » :

« Il est dans la nature du discours politique de se prêter à la caricature tribunicienne. Dans un discours public d’une heure ou deux, n’importe quel orateur aura nécessairement des moments de harangue que la photographie peut isoler et rendre de façon brutale. Même dans le cas de quelqu’un de relativement peu expressif comme Hollande, les enregistrements vidéo des discours de la campagne présidentielle de 2012 montrent qu’il serait facile de produire des images grimaçantes ou tribuniciennes. Si des photos de ce genre existent, ce ne sont pas celles-là qui ont été retenues, car elles ont été jugées non pertinentes par rapport à l’image que l’on voulait donner du candidat… Ce qui signifie que ce sont les choix narratifs qui orientent la représentation visuelle, et non le contraire… La meilleure preuve est que dans un journal comme l’Humanité, Mélenchon paraît souriant et charismatique… »

On ne trouve pas cette illustration dans les blogs de sympathisants de Mélenchon. Conclusion : plusieurs journalistes ont choisi une illustration qui a plu aux militants d’extrême droite, qui l’ont aussi choisie.

Voici d’autres mimétismes ordinaires, éthiques, indépendants et déontologiques déjà recensés dans l’OPIAM :

– Mimétisme et lepénisme médiatique ordinaires
– L’étrange mimétisme de L’Express

– Diabolisation verbale de Mélenchon dans les médias 2/3
– Diabolisation verbale de Mélenchon dans les médias 3/3

– Des journalistes font leur show anti-Mélenchon
– Mimétisme ordinaire chez Libération, Le Parisien, etc.