Diabolisation verbale de Mélenchon dans les médias 4/4

Christophe Rauzy, le visage d’un journalisme outrancier

Outrances, saillies, dérapages, sorties et posture d’un martyr de la vérité

     Deux jours avant la manifestation du 1er décembre 2013, le journaliste Christophe Rauzy de France TV Info a produit un dossier spécial anti-Mélenchon. Comme l’avait fait Le Monde la veille de la manifestation du 5 mai 2013 – en moins violent mais en plus venimeux. Le travail de Christophe Rauzy, titré « Jean-Luc Mélenchon, les cinq visages d’une stratégie« , transpire du début à la fin la haine et le ressentiment personnels. Pour mieux propager cette haine, le journaliste la dissimule sous une apparente scientificité en convoquant une conseillère en communication politique objective, dont les propos objectifs sont collés sur une illustration objective :

outrances

Dispositif lexical de l’article :

« outrances » / « il est dans l’outrance » / « c’est un catcheur qui exagère » / « dérapages » / « dérapage » / « provocations » / « saillies » / « saillies »/ « sorties » / « populisme » / « posture » / « Mélenchon capitalise » / « agacera et créera le rejet » / « provoquer » / « exécution rouge » / « il découpe en morceaux » / « Les gens savent que c’est faux » / « un bon débat avec Jean-Luc Mélenchon ne peut se dérouler sans qu’il franchisse la ligne rouge » / « il lâche » / « il lâche » / « lâche » / « lancent » / « il en profite » / « divise » / « il sait surtout comment transformer la politique en spectacle » / « tirer à boulets rouges sur les médias »

Poujadisme et nombrilisme journalistique.
« Moi » + « je » = « LE journaliste »

     Antoine Léaument a déjà bien analysé le phénomène du nombrilisme journalistique (voir « Diabolisation de Mélenchon et nombrilisme journalistique : les errements du magazine du  Monde« ).
Dans la dernière page de son article, le journaliste se met à beaucoup plus parler de lui-même. Mais il ne le fait pas dans le sens positif et loyal de celui qui assume la subjectivité et l’engagement politique inhérents au métier de journaliste. Là, ce nombrilisme va crescendo, jusqu’à la conclusion selon laquelle « le journaliste », ce héros, cette gentille incarnation de la vérité, est la victime du méchant Mélenchon. Et avant le dévoilement de son visage, sa sainteté « le journaliste«  ne dissimule même plus son incapacité à se mettre à distance de sa haine de Mélenchon : Christophe Rauzy se croit l’incarnation « du » journaliste, comme s’il n’existait qu’une sorte de journalistes, « le » Christophe Rauzy. Son nombrilisme outrancier va jusqu’à le faire affirmer que « le journaliste » (Moi-Christophe-Rauzy) sert de « répétiteur » du discours de Mélenchon et « est aussi là pour l’aider à l’élaborer » :

« Je comprends alors que j’ai servi de répétiteur du discours déclamé sous mes yeux. Le journaliste, doublement utile, ne fait pas que relayer le message « cru et dru », il est aussi là pour aider à l’élaborer. »

Sa thèse, simpliste et désormais très répandue dans le milieu médiatique, est la suivante : quoi que dise Mélenchon, il ne peut que mentir, manipuler ou instrumentaliser. À partir de là, il n’y a plus de parole politique possible, puisque pour le journaliste, toute parole est un mensonge.

Comment Mélenchon m’a pris pour son sparring-partner
A quelques heures de mon reportage, un collègue me demande : « Ouh là ! Tu interviewes Mélenchon ? Et tu comptes revenir vivant ? » Le premier contact est en fait très cordial. L’entretien a été calé quelques jours auparavant, pas de mauvaise surprise pour le leader du Front de gauche. La rencontre a lieu dans un TGV qui le conduit à Rennes, dans un wagon de première classe, quasi vide. Entouré de ses proches, l’homme est de bonne humeur.
Blague facile et diversion
« Alors comme ça, vous avez des questions ? Eh ben asseyez-vous ! » Je l’interroge sur ce déplacement en zone rurale. Il me répond, d’une voix basse et douce, qu’il connaît bien le milieu rural, lui, le Jurassien. Les yeux deviennent plus perçants quand je lui fais remarquer que l’électorat ouvrier du coin penche plutôt pour le FN. « Mais pourquoi cette manie de croire que le déterminisme social est lié à la classe sociale ? » J’obtiens un cours de sociologie en guise de réponse. Je sens le piège de la diversion arriver et me refuse à l’alimenter avec ma réponse.
Mais l’ambiance reste joyeuse. Jean-Luc Mélenchon est lancé. Du coup, il devient encore plus difficile à manœuvrer, tant il multiplie les formules travaillées. Prenant l’exemple de la fermeture de l’usine Candia qu’il a visitée le matin même, il lâche : « On nous dit : ‘ça marche pas, c’est à cause de la mondialisation’. Mais il y avait des vaches en France avant la mondialisation ! On sait faire ! » On sourit, pendant que son staff rit aux éclats. « Le gouvernement a une vision économique archaïque, celle de l’économie de l’offre… » Après le cours de sociologie, place au cours d’économie.
Point Godwin
En professeur bienveillant, il pose une main sur mon bras et me pointe un doigt sur l’épaule quand il veut mon avis. Je m’aperçois vite qu’il en profite encore pour écarter les questions. Il bifurque ainsi sur la domination allemande au sein de l’UE. « C’est dangereux, en Europe, qu’un peuple en domine d’autres, on l’a déjà vu dans l’histoire, et on sait où ça a mené. » Point Godwin, check. Je dodeline de la tête en prenant des notes, et en souriant quand même.
Le train entre en gare de Rennes. « A tout à l’heure pour le meeting. » Et quelques heures plus tard, je comprends pourquoi un des lieutenants de Jean-Luc Mélenchon prenait plus de notes que moi pendant l’interview. A la tribune du meeting du Front de gauche, son patron enchaîne des formules familières : les vaches et la mondialisation, le cours d’économie, le danger de la domination allemande, rien ne manque ou presque. Je comprends alors que j’ai servi de répétiteur du discours déclamé sous mes yeux. Le journaliste, doublement utile, ne fait pas que relayer le message « cru et dru », il est aussi là pour aider à l’élaborer.

***

Avant cette dernière page, le journaliste prétend démontrer une incohérence chez Mélenchon. Attention, ça vole très haut : Mélenchon ne peut pas parler au nom du peuple parce que :

« A l’heure de visiter l’usine Candia menacée, le 5 juin, impossible de le voir en charlotte et blouse, au milieu des employés. En revanche, l’appareil photo n’est plus un intrus quand il partage un morceau de rôti froid avec les syndicalistes en colère. Le souci de donner une image qui colle au discours est permanent. Et ceux qui sortent des clous sont rapidement classés comme « menteurs«  ou « suppôts de l’extrême droite ». »
mélenblouse

11 avril 2013

Le journaliste (objectif etc.) ajoute :

« S’il aime faire rire aux dépens des autres, pas question, en revanche, de rire de lui-même. »

Christophe Rauzy, l’obsédé objectif de la charlotte et de la blouse blanche écrivait déjà le 5 juin 2013 dans son article « Dans la Sarthe, Mélenchon fustige les grands groupes de l’agroalimentaire » (France TV Info) :

« Il conserve tout de même suffisamment d’expérience de ce genre de déplacements pour s’éviter la photo « blouse blanche-charlotte sur la tête« , souvent fatale à la crédibilité d’un politique : la presse n’est pas autorisée à le suivre dans la visite de l’immense installation d’où sortent chaque semaine trois millions de litres de lait et de crème liquide. »

***

Sur l’usage des mots outrances, saillies, dérapages, sorties et populisme, voir aussi « Diabolisation verbale de Mélenchon dans les médias 2/4 » et « Diabolisation verbale de Mélenchon dans les médias 3/4« .

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Une réponse à Diabolisation verbale de Mélenchon dans les médias 4/4

  1. dorzédéja dit :

    Christophe Rauzy sait où est l’ennemi: sa mauvaise conscience. Mélenchon ne cesse de la raviver. Sa noble mission de journaliste, pourquoi faudrait-il la laisser salir par cet incorruptible ? Christophe Rauzy sait que la servilité est l’essence de la morale. L’ordre social est bon parce qu’il est. Les gauchisses qui disent le contraire sont rien que des extrémisses. Christophe Rauzy est un grand penseur, merde.

  2. chani dit :

    !!!! il a le culot de penser que Jean-Luc Mélenchon a eu besoin de lui pour monter son discours de meeting ? Un sacré mythomane en plus !!!

  3. Virgil Brill dit :

    Il me semble que l’hostilité à l’égard de Mélenchon (pas simplement le désaccord avec lui, qu’on me comprenne bien !) est devenue un marqueur fiable du degré de mauvaise foi dans le prétendu débat politique. En faisant son travail de veille, l’OPIAM éclaire le scène sous un jour souvent révélateur. Très utile.

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