Jusque dans sa rubrique cinéma, le journal Libération fait de la propagande anti-Mélenchon. Quel dévouement à la cause ! Mais sans doute, Libération objectera que c’est rigolo et sans intention de nuire ; que le choix qui a été fait d’impliquer ici Mélenchon à des histoires de torture et de violence extrême n’est qu’un pur hasard :
Dans cette critique à la rubrique cinéma de Libération (« Beurre un autre jour »*), J.-L. Mélenchon a été associé au vocabulaire de l’ultra-violence. Lui et pas un autre. Nous allons voir que ce n’est pas anodin. Récemment, c’est aussi par de forts malencontreux hasards que J.-L. Mélenchon a été associé à un meurtrier, à un cannibale et à un homme agressant une femme – voir le journal gratuit Metro (« Belgique, le « Mélenchon wallon » accusé du meurtre de son épouse« ) ; Le Point (« Nice : il dépèce le corps de sa grand-mère et en mange un morceau« , article illustré par une voiture de police en gros plan – couleur dominante : le blanc –, et par une affiche rouge de Mélenchon en arrière plan) ; encore Le Point (« Les détournements de Walter Lewino : Mélenchon interdisant à Le Pen d’approcher la classe ouvrière« ) ; et encore Le Point (« 4 janvier 1903. Topsy, l’éléphante tueuse d’hommes, est électrocutée par Thomas Edison« ) :
« Topsy est une éléphante d’Asie pour qui le rêve américain s’est borné à épater les spectateurs du Forepaugh Circus. Durant des années, elle a tourné dans le pays. C’est une brave bête, mais il ne faut pas lui marcher sur les pieds, un peu comme Mélenchon. À deux reprises, elle tue des soigneurs qui lui manquent de respect. »
Les associations d’un nom ou d’un visage à certains autres noms, visages et vocabulaire, si elles sont quotidiennes, peuvent avoir un impact sur l’inconscient du lecteur. Si dans les médias, le nom et le visage de J.-L. Mélenchon sont si souvent associés (furtivement ou pas) au nom de Hitler, au visage de Le Pen et au vocabulaire de la violence en général, cela ne peut pas ne pas avoir de conséquences sur l’inconscient du lecteur (voir la série « Diabolisation visuelle… » et le répertoire de l’OPIAM, rubrique « Mélenchon = Le Pen » par exemple, qui contient 82 billets recensant des associations de Mélenchon à Le Pen, parmi lesquels sont parfois recensés, en un seul billet… jusqu’à quinze associations). Exemples :
– « « Mélenchon = Le Pen » dans la presse en janvier 2012«
– « « Mélenchon = Le Pen » dans la presse étrangère«
Si le critique de cinéma a choisi J.-L. Mélenchon pour évoquer « la terreur absolue » avec humour, cela peut réellement n’être qu’un pur hasard. Comme n’importe quel nihiliste, il aura trouvé ça drôle, puisque tout se vaut, puisqu’il faut rire de tout, et surtout « des politiques ». Mais cela peut aussi être volontaire ou inconscient. Dans ce cas, ce qui incarnerait à la fois le mieux l’horreur, la violence et le comique, pour lui, ce ne serait pas une personne célèbre du milieu sportif, du cinéma, ou un criminel connu, ou un bijoutier, ou un militant d’extrême droite, ou un journaliste, ou – pire – un chanteur de variété française. Imaginons :
« A rapprocher d’Un petit-déjeuner chez les Mélenchon benêts rouges ou de Biscotte sanglante. »
« A rapprocher d’Un petit-déjeuner chez les Mélenchon Dieudonné ou de Biscotte sanglante. »
« A rapprocher d’Un petit-déjeuner chez les Mélenchon Morano ou de Biscotte sanglante. »
« A rapprocher d’Un petit-déjeuner chez les Mélenchon Sinsemilia ou de Biscotte sanglante.
« A rapprocher d’Un petit-déjeuner chez les Mélenchon Maé ou de Biscotte sanglante. »
« A rapprocher d’Un petit-déjeuner chez les Mélenchon Stromae ou de Biscotte sanglante. »
« A rapprocher d’Un petit-déjeuner chez les Mélenchon Quatremer ou de Biscotte sanglante. »
« A rapprocher d’Un petit-déjeuner chez les Mélenchon Tryo ou de Biscotte sanglante. »
Chacune de ces variantes produirait aussi un effet comique et terrifiant. Mais le critique de cinéma de Libération a pensé que le plus comique et le plus terrifiant, ce serait un militant politique socialiste. Et plus précisément : J.-L. Mélenchon. Pas M. Le Pen, pas F. Hollande. Pourquoi la politique ? Difficile de le savoir a priori. Et pourquoi J.-L. Mélenchon ? Pour la raison suivante : qui mieux que Mélenchon incarne le parler cru et dru, la parole tribunicienne ? Or ces valeurs sont terriblement néfastes, elles sont « la terreur absolue » pour celui qui veut continuer à vivre heureux dans un océan de malheurs, car elles le rappellent à sa conscience. Il faudrait prétendre remédier à l’urgence écologique et sociale tranquillement, sans jamais dire à quel point il y a urgence. Il faudrait parler la langue de bois, pour se voir, au mieux, être accusé précisément… de parler la langue de bois ; au pire, être inaudible. Le journalisme en tant que culture et que mode de pensée est schizophrénie permanente.
Le fait que le critique de Libération a choisi J.-L. Mélenchon révèle une chose profonde : il n’y a là nul complot ; il y a tout simplement que J.-L. Mélenchon est la hantise absolue du monde médiatique, où règne l’inculture et la paresse de la pensée. De même que la lumière attire les insectes, dans leur ressentiment, les journalistes sont fascinés par J.-L. Mélenchon. Ils savent aussi qu’ils sont insignifiants, et que l’histoire ne retiendra leurs noms ni en mal – exceptés quelques médiacrates –, ni en bien. Bref : ils sont journalistes, petits et moyens laquais, ou esclaves de luxe du dieu Journalisme. Ils ne sont que journaliers, qu’actuels, pas inactuels, pas artistes, pas créateurs, pas historiques, pas immortels.
En 1872, le philosophe Nietzsche écrivait que le journalisme accomplit sa tâche « conformément à sa nature, c’est-à-dire, comme son nom l’indique, comme une tâche de journalier ». J.-L. Mélenchon ne peut se permettre d’oser une telle critique et d’aller plus profond, avec Nietzsche, au risque d’être « inaudible » (mot fétiche des journalistes) : le problème n’est pas seulement dans les comportements et les méthodes de certains journalistes, ainsi que les conditions sociales dans lesquelles s’effectuent le travail des journalistes précaires (sur le plan financier ou intellectuel…). Le problème, c’est le journalisme lui-même, en tant que culture, que mode de pensée dominant. Malgré nous, nous pensons en journalistes. De même que nos mots – c’est-à-dire notre pensée – sont sous l’emprise de la pensée technicienne (cf. la célèbre expression « en mode », ou bien les « lots », « stocks » et « portefeuilles » de « D.E » – demandeurs d’emploi – ou encore la « gestion du capital humain » et les « Trophées du Capital humain« , sponsorisés par le journal Le Monde), de même notre esprit, nos mots sont façonnés, conditionnés par le journalisme, qui est indifférenciation permanente, alternance continue de sujets graves et futiles conduisant à l’indifférence, à la grande fatigue de la pensée, au nihilisme.
« Nous atteignons maintenant le point où dans toutes les questions générales de nature sérieuse et surtout dans les problèmes philosophiques les plus élevés l’homme de science en tant que tel n’a plus du tout la parole ; en revanche cette couche de colle visqueuse qui s’est glissée à présent dans les sciences, le journalisme, croit y remplir sa tâche et elle l’accomplit conformément à sa nature, c’est-à-dire, comme son nom l’indique, comme une tâche de journalier.
Le journalisme est le confluent de deux directions : élargissement et réduction se donnent ici la main ; le journal se substitue à la culture, et qui a encore, fût-ce à titre de savant, des prétentions à la culture s’appuie d’habitude sur cette couche de colle visqueuse qui cimente les joints entre toutes les formes de vie, toutes les classes sociales, tous les arts, toutes les sciences. C’est dans le journal que culmine le dessein particulier que notre temps a sur la culture : le journaliste, maître de l’instant, a pris la place du grand génie, du guide établi pour toujours, de celui qui délivre de l’instant. » (Sur l’avenir de nos établissements d’enseignement, Première conférence, Nietzsche, 1872.)
Plus tôt, au printemps 1835, le poète italien Leopardi écrivait :
« Grâce à la puissance de la vapeur, les journaux couvriront plaine et colline, peut-être même l’étendue immense de la mer, comme un essaim de grues cachant soudain le jour aux vastes champs ; les journaux, âme et vie de l’univers, unique source de savoir pour notre temps et l’avenir ! » (Palinodie au marquis Gino Capponi)
Quant au philosophe Heidegger, il prolonge la pensée de Nietzsche sur le journalisme. Dans Qu’appelle-t-on penser ? (1951), il décrit le journalisme comme « pensée à voie unique » et démontre qu’il relève de la technique dans la mesure où celle-ci est « une façon dont l’étant dans son entier se révèle et, ainsi manifesté, déploie son règne ». À l’entrée « journalisme » du Dictionnaire Heidegger, Hadrien France-Lanord écrit qu’ « à ce titre, les journaux sont un maillon dans une longue chaîne où tout est exploité selon un dispositif (Gestell) qui le somme d’être constamment à disposition sur commande. » Puis M. France-Lanord cite ce célèbre extrait de La Question de la technique (1954) où Heidegger décrit « ce dispositif à travers lequel, des grumes jusqu’à la gestion de l’opinion, tout est tenu de livrer son potentiel d’efficience » :
« Le garde forestier qui mesure le bois abattu et qui en apparence suit les mêmes chemins et de la même manière que le faisait son grand-père est aujourd’hui, qu’il le sache ou non, commis par l’industrie du bois. Il est commis à faire que la cellulose puise être commise et celle-ci de son côté est provoquée par les demandes de papier pour les journaux et les magazines illustrés. Ceux-ci, à leur tour, interpellent l’opinion publique, pour qu’elle absorbe les choses imprimées, afin qu’elle-même puisse être commise à une formation d’opinion dont on a reçu la commande. »
Analyse modifiée le 21 avril 2014.
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*Note : jeu de mots sur le 20ème James Bond : Meurs un autre jour (Die Another Day)
Ce n’est pas malin de la part des médias mais il faudrait quand même se poser la question de savoir pourquoi beaucoup de personnes associent Melenchon et Violence.
Ses sorties verbales régulières lui portent préjudice ainsi qu’au FDG.
Ah ben ouai hein, faudrait se poser la question hein ? C’est quoi une « sortie » ? Votre tête a visiblement été pourrie par le vocabulaire des journaleux. Votre « sortie » illustre à merveille la thèse du journalisme comme mode de pensée.
Dans un passé lointain ( mais pas encore enfoui, et susceptible donc de générer des cauchemars), il a pu arriver à Libération d’être de gauche, c’est à dire mélenchonien. Sa rubrique » culture » était même réputée, avec par exemple le très nietzschéen Francis Marmande. Mais c’était un âge idéaliste, le réalisme du TINA a sagement pris le dessus. On se souvient encore des leçons administrées par son ex-mao de rédacteur en chef à ses propres lecteurs quand il leur arrivait de mal se comporter, comme en 2OO5. De Jean-Paul Sartre à Nicolas Demorand, de Camus à Giesbert, de Derrida à Barbier, de Bourdieu à Aphatie…On a l’impression d’avoir sous les yeux le destin de la presse française.
bonjour à vous tous,
je viens de lire un pamphlet d’un certain Youen Drougru (pseudonyme) édition « la part commune », intitulé: « à genoux Bretagne ou l’arnaque des benêts rouges ».
l’auteur dénonce les manipulations des meneurs de la manif de Quimper des fameux « bonnets rouges », c’est drôle mais dès la première page, il parle de Jean-Luc MELENCHON.
je cite: « vous avez accepté, en les suivant à Kemper, tels les bêlants moutons de Panurge, de n’être que leurs Serfs ( ne relevez, je vous prie, aucune accointance avec les imprécations maladives de Mélenchon, ce social-nationaliste haineux, dès qu’on s’affirme catalan, basque, occitan, ou breton, et… européen, gast!) ».
ce passage laisse un goût amère, mais j’ai du mal à saisir l’humour noir et cynique de cet auteur et fait-il parler les manifestants ou est-ce son état d’esprit?.
il semble que ce soit un « breizou » comme nous les appelons ici dans la région( finistère), ils peuvent se croire de gauche et vouloir l’autonomie « assistée » de » l’état Français » et surtout la signature de la chartre européenne des langues minoritaires. la culture locale, presse comprise est un bourrage de crâne permanent de la « bretonitude réinventée », voir l’institut de Locarn .
cordialement
Daniel CLOAREC
.Bonjour , tout d’abord merci à vous pour votre constance dans cet effroyable boulot consistant au décorticage quotidien du putride , seul terme me venant à l’esprit pour qualifier l’état de liquéfaction quasi organique de cet assommoir de masses qui ose de surcroit se revendiquer d’ une profession, que jadis l’on nommait journalisme .
Leurs pales usurpateurs employés aux services des conglomérats boursiers , n’ont plus même à faire l’effort du reniement tant leurs esprits sont vérolés , la presse est à ce jour ce que la grande distribution est au petit commerce , une formidable machine à faire ingérer de la merde au point que s’il fut un temps ou l’on pouvait garder ces torchons pour les accrocher dans la cabane du fond du jardin, présentement cela s’avère impossible, les plumitifs ayant déjà chiés dedans, ce qui nous permet de noter au passage , que les éditorialistes sont particulièrement bien nourris .
Nous sommes aux temps nouveaux ou l’interprétation de la presse écrite ou télévisuelle ne s’effectue plus par le sens de la vue mais par celui de l’odorat .
Mais l’excès sous toutes ses formes à parfois des conséquences inattendues souvenons nous des louanges ininterrompues de l’ensemble télévisuel à l’intention de celui qui en à peine 6 mois de mandat avait cumulé plus de temps d’antenne que l’ensemble des présidents de la cinquièmes , l’outrance immanquablement finit par se retourner contre celui qui en abuse l’outrance médiatique censé agonir le verbe de Mélenchon ne sera pas l’exception venue pour confirmer la règle ainsi verrons nous dans le futur ces mêmes cloportes, le nez dans leurs déjections toutes hontes bues justifier leurs saloperies non par leur fait mais par la mauvaise lecture qu’en auront fait leur lecteurs .
Ping : Lettre au Jack Russel de Jegoun (et, accessoirement, aux caniches de Merkel…) | les échos de la gauchosphère
bravo pour ce travail de titan