Le 6 mai, Marianne a publié un éditorial du journaliste Jacques Julliard, intitulé « Contre le « Hollande bashing » »¹. Avec son illustre sens de la nuance et sa raison², Julliard y assimile Mélenchon à « la chienlit des dégénérés fascistes ». Ce journaliste avait déjà comparé les rassemblements du Front de gauche à des rassemblements nazis dans « Mélenchon peut-il faire perdre Hollande ? »³, le 7 avril 2012 – soit quinze jours avant les élections présidentielles :
« Les enthousiasmes collectifs organisés, tels qu’on les pratiquait dans l’Allemagne nazie et la Russie soviétique, très peu pour moi. »
Dans son éditorial du 6 mai 2013, le journaliste met sur le même plan « la chienlit des dégénérés fascistes » et les « révolutionnaires de ruisseau ». Pour lui et tant d’autres journalistes très cultivés en histoire, un fasciste et un antifasciste, c’est la même chose :
« « Dictateur ! » (Hollande vu par les antimariage gay) ; « CRS SS ! » (les mêmes, jouant un Mai 68 à retardement) ; « Salopards ! » (Mélenchon et les siens, parlant des ministres) ; « Pourris ! » (la classe politique tout entière selon les sondages). Il y a, dans cette escalade verbale, dans ce recours permanent à l’insulte et au mensonge, dans ce cru qu’on ne saurait croire, quelque chose qui va bien au-delà de l’exagération méditerranéenne. C’est le consentement à la bassesse.
Pour s’élever, il faut faire effort. Pour s’abaisser, il suffit de se laisser aller. Oui, il y a là quelque chose qui menace de ne plus s’arrêter, comme la chienlit des dégénérés fascistes, comme la veulerie des révolutionnaires de ruisseau.
Quelque chose qui, au-delà de la haine de l’adversaire, parfois surjouée, relève de la haine de soi, authentique celle-là. Nous ne pouvons en effet continuer longtemps sur ce ton sans détruire notre estime de nous-mêmes, et une certaine idée que nous nous faisons de la France.
Cette répugnante odeur de sang, de curée et de carnage que l’on respire autour de DSK, de Cahuzac, nous allons la payer un jour. Sous prétexte d’indignation et de vertu, nous sommes entrés dans un processus d’autodestruction, où toutes les passions démocratiques, l’envie, la peur, la colère conspirent contre la démocratie elle-même.
Dans ce processus hystérique, la presse joue un rôle de chef d’orchestre. Tenez : l’hallali autour de François Hollande, de l’extrême droite à l’extrême gauche, a quelque chose d’obscène. On peut discuter sa politique. Il faut discuter sa politique. S’interroger sur ses choix. Si on les récuse, en proposer d’autres. On peut le faire sans renoncer à sa dignité ! Il fut élu, François Hollande, sur une réaction de dignité face à l’hystérisation de la politique, telle que l’avait conçue et incarnée Nicolas Sarkozy. Imaginez un peu le cirque qu’eût été, sous l’ancien président, le retour des otages du Cameroun. La famille Moulin-Fournier et le président ont été admirables de sobriété. Pourquoi ne pas le dire ?
La presse a des excuses, parce que la presse se porte mal, quotidiens et hebdos confondus, et Marianne dans le lot. Sans la poignante urgence de vendre, l’Obs n’aurait pas fait de Marcela Iacub un grand écrivain, ni l‘Express, sa danse du scalp hebdomadaire autour de Hollande, ni Libération, sa une indigne sur des racontars visant Laurent Fabius.
Mais soyons-en persuadés : ceux-là mêmes, parmi les lecteurs, qui se jettent avec gourmandise sur ce qu’on leur propose de plus bas, seront demain les premiers à sanctionner l’appel à leurs instincts les moins avouables. »
La version complète de cet article est parue dans le magazine Marianne en kiosques du 27 avril au 3 mai
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Prochainement dans l’OPIAM : « Mélenchon = fasciste » sur Public Sénat (chaîne publique)
Notes :
1. « Contre le « Hollande bashing »« , 6 mai 2013, Marianne.
2. « Je suis pour la raison en politique », phrase de Julliard dans « Mélenchon peut-il faire perdre Hollande ? », 7 avril 2012, Marianne.
3. « Mélenchon peut-il faire perdre Hollande ? », 7 avril 2012, Marianne.
Julliard est plus zélé à dénoncer la gauche que l’extrême droite. C’est quand même bizarre.
la vieillesse est un naufrage
Julliard appelle à conserver sa dignité dans la critique, puis enchaîne en disant que le président à était admirable de sobriété…
Et il conclue en disant que les pauvres journalistes, soumis à la terribles contraintes économiques, sont de fait condamnés à l’indigne… Les pôôôvres
Quel courage de lire tout ça!!!
Ping : Dans le cul, les fachos ! #cénoukonvagagner #26juin | les échos de la gauchosphère
tu ne devrais pas faire un titre comme cela car certains ne lisent que le titre surtout avec gogol
heureusement que je connais l’OPIAM car je n’avais pas vu tout donc pas envie au départ à m’intéresser à cet article
Qu’y a-t-il à espérer de ceux qui ne lisent que les titres ?
justement , quand c’est trop agressif ou ridicule , je m’arrête là même si je connais la justesse de celui qui commente
je ne vais jamais sur les blogs du FHaine , peut-etre le devrais-je mais je n’ai pas envie de me battre à armes inégales contre un ramassis de salauds.De même le choix de mes lectures se fait en fonction des auteurs et des titres , rarement en fonction d’un conseil
Peut-etre que tu me charries par ta question , je ne le prends pas mal ,mais je répond ce qu’il à espérer de ceux qui ne lisent que les titres est qu’ils aillent plus loin dans la démarche de s’informer et même encore plus loin si ils sont convaincus des arguments de la lecture , qu’ils s’engagent en militant ou opposants si ils sont convaincus du contraire
Vous êtes optimiste. C’est tout à votre honneur.
On dirait un curé qui nous fait un sermon sur la passion et les bas instincts.
Sous prétexte de dignité et de sobriété, on devrait étouffer toute émotion, colère et indignation parce que c’est trop dangereux et incontrôlable. Il faudrait se retenir de critiquer DSK, Cahuzac, le pouvoir, sous prétexte de « on sait quand ça commence, on sait pas quand ça finit ».
On peut avoir des colères saines, rationnelles, transformées en mots et en propositions politiques, mais pour Julliard toute critique est extrême, primaire et entamerait le début de la fin de nos institutions déclinantes.
Voilà la vraie émotion qui l’étreint : la PEUR de voir le système qui le soutient tombait en ruine.
… tombER en ruine. Désolé !