« Les Gracques : « C’est maintenant ou jamais » »¹ : un autre article du 11 avril assimilant Mélenchon à l’extrême droite. C’est en conclusion de l’article, comme si souvent, que le journaliste éructe son « Mélenchon = Le Pen » :
« Alors, le triste numéro des duettistes que sont Le Pen et Mélenchon cessera de séduire un public lassé ; alors, les messages de l’action publique pourront être entendus, les errements individuels surmontés et la confiance revenir. »
Une semaine plus tard dans Le Point, de nouveau un « Mélenchon = Le Pen ». Voici, à gauche, la couverture, qui fait de Le Pen une républicaine révolutionnaire, banalisant ainsi l’extrême droite et injuriant la gauche ; à droite, une Une du même genre que Le Point avait déjà faite un jour avant la fin de la campagne électorale présidentielle de 2012 :
Dans la Une d’hier, on remarque qu’en plus d’être côte à côte, seuls Le Pen et Mélenchon sont représentés en train de crier et tenant des fourches. Copé est lui aussi mis dans le camp des révolutionnaires, lui qui a pourtant dit « La Révolution a fait beaucoup de mal et a fracturé la société, elle a désappris aux Français le goût de l’effort » ; « Il y a en France une tentation de la nuit du 4 août dont il faut se débarasser » ; « le Ça ira n’est plus d’époque, les temps sont passés ». Dans la Une du 19 avril 2012, la photo choisie de Mélenchon le présente les sourcils froncés, l’air inquiet, tendu ; celle de Le Pen la présente souriante.
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Bonjour et milles mercis pour votre superbe et salutaire travail !
Si la Une du Point est déjà vomitive, le contenu l’est encore plus, je vous conseille de jeter un coup d’oeil ! Alors, je cite de mémoire donc ça risque d’être approximatif (je l’ai feuilleté en kiosque, hors de question qu’ils aient un centime de ma part) mais de ce que j’ai retenu, c’était clairement du « Le Pen =Mélenchon MAIS quand même mieux vaut le Pen que Mélenchon » :
-bien entendu, on a Mélenchon et Le Pen côte à côte dans la table des matières.
-il y a un titre personnel pour Mélenchon, qui comme chacun sait, milite par orgueil (« Mélenchon se voit déjà comme le nouveau Robespierre ») et un titre plus doux pour Le Pen (« Le Pen ou la révolution tranquille » quelque chose du genre)
-la photo de Mélenchon, dans l’article, le montre la bouche grande ouverte, « beuglant » en tête d’une manifestation
-la photo de Le Pen la montre dans son bureau, concentrée sur son travail, avec son poster de campagne souriant derrière elle
-dans le contenu, les citations de Mélenchon sont systématiquement contestées par la personne qui écrit l’article, et ne font que participer à la démonstration par l’article du fait que Mélenchon est un impulsif narcissique qui crée de la violence : « si vous lui dites qu’il ‘surfe’ sur le climat de détestation actuel des politiques, Mélenchon ne va pas aimer, ce ne sont pas des mots qu’il emploie, ah surtout pas [citation de Mélenchon] »; « mais cette posture le conduit bien souvent à sombrer dans la paranoïa [citation de Mélenchon parlant de l’accusation d’ « antisémitisme » et des attaques faites contre lui par le PS] » etc etc. Chaque fois que Mélenchon est cité, ses citations sont accompagnées avant ou après d’un commentaire expliquant en quoi il se paie la tête du monde, « décryptant » quelle « posture » il essaye de prendre, ou affirmant qu’il refuse de voir la réalité en face.
-dans le contenu, la personne qui rédige l’article accompagne doctement les citations de Le Pen, et fait sienne ses arguments: « là voilà obligée de se justifier bien malgré elle pour une soi-disant compromission de son parti dans l’affaire Cahuzac alors qu’elle jure [citation de Le Pen] ‘n’y être pour rien dans cette histoire’ « . Bon, je ne sais plus exactement, mais au début de l’article sur Le Pen, elle jure que vraiment, elle en a marre de se justifier alors qu’elle est pure et sublime, et qu’elle veut juste débattre démocratiquement sans qu’on l’embête pour des broutilles, et la personne qui écrit ne conteste en rien ce qu’elle dit et même les valide (le « bien malgré elle », ça je sais que c’est dans l’article). Qui plus est, l’article, qui ne commente JAMAIS (comme pour Mélenchon) les « postures » que prendrait Le Pen, sa personnalité, et les raisons qui sont censées l’amener à penser x ou y, la présente comme une partisane de changement moins violente (moins violente que qui ? Suivez mon regard…) parce qu’elle, elle ne veut pas la brutalité dans la rue, elle veut le « changement démocratique par le vote ». Elle est pour « la proportionnelle », elle aurait aimé que « Hollande soit beaucoup plus clair dès le départ vis-à-vis de Cahuzac », bref elle a plein d’idées et de propositions, et en plus, ELLE, elle veut juste les défendre démocratiquement, de façon posée, par le vote et le débat.
Alors que l’autre n’a aucune idée (on n’en cite pas dans l’article, me semble t-il, donc ça veut sûrement dire qu’il n’en a aucune), n’a jamais parlé de proportionnelle ni de vote, est pour la réappropriation par le peuple du pouvoir de décider de ce qu’il concerne et pour l’expression de ses revendications partout où c’est possible à l’extérieur de l’Assemblée comme à l’intérieur (ce qui fait donc de lui un fou dangereux… Pardon ! un « populiste »), bref, il fait très peur, et en plus il grimace tout le temps.
Encore une fois, je cite de mémoire, donc mes citations sont approximatives, mais ça vaut la peine que vous y jetiez un coup d’oeil, parce qu’on a là une nouvelle illustration du fait que Le Point (entre autres…) cherche explicitement à formater les personnes qui les lisent pour déconsidérer leurs nécessaires et légitimes revendications progressistes, pour les jeter tout droit dans le fumier frontiste.
Merci Thomas, je verrai ce torchon à la bibliothèque.