Le journaliste Philippe Ridet, du Monde, a récemment décrit Antonio Ingroia (candidat de gauche aux élections législatives italiennes) comme un homme qui « veut faire parler de lui ». Quatre mots en tout dans son article suffisaient à décrire Ingroia, et le lecteur ne saura même pas quel mouvement il représente.
À la page 11 du journal Le Monde de l’édition du 11 avril 2013 se trouve un tract d’une page entière contre les homosexuels, rédigé par le mouvement d’extrême droite « La Manif Pour Tous ». À la page 10 du même jour se trouve cet article de Raphaëlle Besse Desmoulières : « La stratégie médiatique « antimédias » de Jean-Luc Mélenchon ».
Dans un paragraphe intitulé « Escalade verbale » – expression que des dizaines de journalistes ont répété et répété ces dernières semaines tels des perroquets –, la journaliste non-populiste-non-démagogue écrit :
« Mais comme tout homme politique, Mélenchon a besoin des médias. Ayant échoué à se faire élire à l’Assemblée nationale, il ne dispose pas de la tribune dont il aurait rêvé. Un handicap, surtout dans une année sans élection. Pas question d’attendre 2014 pour faire parler de lui. Son escalade verbale de ces derniers jours – son « parler cru et dru » – va dans ce sens et permet, au passage, de ne pas laisser le terrain de la contestation à Marine Le Pen. »
Mme Besse Desmoulières – qui est très intelligente – manipule ses lecteurs puisqu’elle sait très bien que l’intention de Mélenchon n’est pas de faire parler de lui, mais de faire parler de ses propositions, des propositions du Front de gauche.
De plus, « avoir besoin des médias » ne veut rien dire, étant donné que la puissance médiatique rend les médias indispensables, de la même façon qu’une politique du tout-bagnole et du tout-nucléaire consiste à ce que le citoyen finisse par n’avoir plus le choix d’utiliser ou pas la bagnole et l’énergie nucléaire, mais par être bien plutôt utilisé par elles. D’où la formule de Mélenchon : « vous me manipulez, je vous manipule ». Une fois de plus s’étale la vacuité de l’argument d’une prétendue incohérence qu’il y aurait à accepter d’aller dans les médias et à les critiquer à la fois, puisque ce sont les médias eux-mêmes qui créent le besoin de médias, qui se rendent indispensables, qui monopolisent la parole et l’accordent à leurs contradicteurs comme une grâce : « Tenez mon brave, allez-y, parlez donc puis léchez-nous les mains pour vous avoir accordé la parole ».