Un article écœurant de Raphaëlle Besse Desmoulières est encore paru dans Le Monde, le 29 septembre : « Jean-Luc Mélenchon, combien de divisions ? ». Cette journaliste y collectionne mensonges et inepties, et va pour sa propagande anti-socialiste jusqu’à recourir aux argumentaires proches de la pire extrême-droite.
Elle introduit son œuvre en rappelant « la petite phrase assassine dans les médias »… « On se souvient du fameux « capitaine de pédalo » destiné à François Hollande », écrit la journaliste obsédée par trois mots – sur des centaines de critiques argumentées qu’a faites Mélenchon durant la campagne électorale. Un an plus tard donc, l’immense majorité des journalistes continuent de résumer un entretien de deux pages1 à la formule « capitaine de pédalo ». Aucun n’a jamais mentionné le fait que la première phrase de cet entretien était adressée contre François Fillon, à l’époque premier ministre du gouvernement de droite :
« Il prépare une économie de cimetière. Seuls les morts pourront
vivre à l’aise dans ce pays puisqu’ils n’ont besoin de rien. »
Cette analyse de Mélenchon restera dans l’histoire de l’étude des maladies obsessionnelles des journalistes :
Ensuite, la journaliste prétend que parmi les membres de l’équipe de campagne, « aucun ne se risquerait à le critiquer, même en “off” ». Puis elle emploie la méthode de la citation attribuée à un soi-disant « ancien proche » ou/et anonyme – méthode très répandue chez les journalistes militants, qui permet facilement de faire passer sa propre opinion politique :
« Ils sont très attentifs à leur propre parole et à ne pas sortir du cadre de la pensée de Mélenchon, estime un ancien proche. Il n’y a personne pour lui dire quand ça ne va pas : ils sont tellement imprégnés de la même logique qu’ils ont plutôt tendance à aggraver les choses. »
« Dans leurs bouches, les formules sont les mêmes que celles du député européen », écrit la journaliste, sous-entendant qu’ils suivent aveuglément un gourou autocrate.
Puis voilà un nouvel « ancien proche » qui apparaît, et qui n’a pas de nom, lui non plus :
« Tout tourne autour de lui, soupire cet ancien proche.
Il a un côté mégalo et se voit comme le nouveau Che Guevara. »
Après les « anciens proches », voici qu’apparaissent les « certains » et les « d’autres » :
“Autre reproche adressé au parti : son rapport à la laïcité et à la République. « Une laïcité mal comprise et excluante », selon certains, « un républicanisme étriqué », pour d’autres. La question du foulard en est un bon exemple : la simple vue d’une femme voilée peut faire réagir M. Mélenchon. « Comme c’est non négociable, ça laisse de côté une partie de la gauche radicale », juge une cadre du Front de gauche.”
Le prochain anonyme est « un député » :
“Un député affirme qu’il devient aujourd’hui difficile de
« copiner avec lui », et regrette « la violence de ses attaques ».”
Enfin, après des accusations d’égocentrisme attribuées à Jean-Vincent Placé et Dominique Voynet, la journaliste cite Marc Blondel qui, selon elle, a croisé Mélenchon « il y a quelques mois dans une réunion maçonnique » : « Jean-Luc n’est pas renié mais ses idées font peur. »
Beaucoup plus grave :
1. La journaliste écrit que,
«S’il reste très discret sur le sujet [la franc-maçonnerie], il avait reconnu cet engagement dans Mélenchon le plébéien de Lilian Alemagna et Stéphane Alliès (Robert Laffont, 370 pages, 20,30 euros). »
« Reconnu » ? « Reconnu », comme « avoué » et « confessé » ? Aujourd’hui, c’est presque exclusivement dans l’extrême-droite la plus réactionnaire (et presque toujours antisémite) que la franc-maçonnerie est blâmable.
Dans un autre article2, cette journaliste avait déjà mentionné – à deux virgules près – l’appartenance de Mélenchon à la franc-maçonnerie, et son commentaire est très intéressant. Voici ce qu’elle avait écrit à propos du fait que Mélenchon affirme être totalement jacobin, révolutionnaire et républicain :
« Cela explique son culte pour l’Etat central et son appartenance à la franc-maçonnerie, engagement qu’il a reconnu dans Mélenchon, le plébéien, de Lilian Alemagna et Stéphane Alliès (Robert Laffont, 370 pages, 20 euros). »
2. Et là il faut noter le lien avec ce qu’elle rapporte, de façon faussement objective, dans la phrase suivante :
« L’ancien sénateur prend cependant soin de gommer les aspects violents de la Révolution quand il parle de “révolution citoyenne” ou d’ “insurrection civique”. »
Cette phrase donne tout son sens au fait que la journaliste vienne juste de mentionner l’appartenance de Mélenchon à la franc-maçonnerie. Elle comporte un deuxième élément essentiel à l’extrême-droite la plus fasciste, qui va systématiquement de pair avec l’antimaçonnisme : la contre-révolution des royalistes, et son lot d’arguments sur la violence révolutionnaire (ce qui ne signifie pas que cette journaliste est proche de l’extrême droite, mais le fait qu’elle classe le Parti de gauche dans « la gauche de la gauche »3 aide à la situer politiquement). Faut-il rappeler à Mme Besse Desmoulières que c’est la Révolution de 1789 qui a enfanté la République ? À moins qu’elle ne soit monarchiste ?
D’autre part, il n’est pas vrai que Mélenchon « prenne soin de gommer les aspects violents de la Révolution ». Il a dit de nombreuses fois que la révolution de 1789 est « un tout » qu’il revendique avec fierté, et qu’on ne peut pas faire le tri comme au marché. Les journalistes de droite, quant à eux, ne mentionnent jamais l’ultra-violence contre-révolutionnaire, la Terreur blanche. Voici ce que Mélenchon a rappelé, le 21 septembre, à l’occasion de la célébration du 220ème anniversaire de la République :
« Ce n’est pas pour rien que la Révolution a été traînée dans la boue, par tous ceux, dans tous les âges, qui avaient pour objectif premier de mettre en cause la liberté, l’égalité : ainsi quand Goebbels dit « L’an 1789 sera rayé de l’histoire » ; ainsi quand Jean-François Copé dit : « Il y a en France une tentation de la nuit du 4 août [nuit de l’abolition des privilèges] dont il faut se débarrasser » ; « le ça ira n’est plus d’époque, les temps sont passés » ; ainsi quand il dit « la Révolution a fait beaucoup de mal et a fracturé la société, elle a désappris aux Français le goût de l’effort ». Chacun depuis deux siècles et vingt ans a choisi son camp. »
En janvier, c’est un « journaliste » du Parisien qui avait violé la vie privée de M. Mélenchon, en « révélant » son appartenance à la franc-maçonnerie. M. Mélenchon avait expliqué cette affaire extrêmement grave dans sa note de blog du 26 janvier4. À la suite de quoi plusieurs « journalistes » (Bourdin et des abrutis de BFM-TV, entre autres) ont osé lui demander s’il « reconnaissait » être franc-maçon.
Comme le rappelle Mélenchon, « le mot « reconnaître » suffit à situer ce que l’intéressé pense du sujet et doit donc le situer politiquement à l’égard des maçons qui l’entendent ! ». L’antimaçonnisme se situe politiquement à l’extrême droite de l’extrême droite.
Parenthèse : [Il faut aussi rappeler aux petits camarades ignorants de l’histoire du fascisme, trop tolérants – voire complaisants – avec les antimaçons antisémites déguisés en « anti-impérialistes anti-sionistes », que l’antimaçonnisme est essentiellement et historiquement lié à l’antisémitisme : la propagande nazie s’est bâtie notamment sur le slogan « Franc-maçon et juif » ; en 1940, Pétain fit interdire la franc-maçonnerie.
Aujourd’hui, les pires ennemis de la gauche sont les obsédés du « complot judéo-maçonnique ». Ceux-là parasitent l’extrême-gauche – il y a même eu un cas au Parti de gauche – en instrumentalisant le conflit israélo-palestinien (voir l’affaire de l’ancien élu conspirationniste du Parti de gauche René Balme qui a traduit un « poème » disant que quelqu’un a « demandé aux 4000 ouvriers israéliens des Twin Towers de rester à la maison ce jour là » (le 11 septembre), et dont le site Internet hébergeait des dizaines et des dizaines de torchons antisémites, homophobes et proches de la mouvance « anti-nouvel-ordre-mondial » – c’est-à-dire antimaçonnique – avant qu’il le supprime).
Pour brosser dans le sens du poil certains fanatiques religieux dont le prétendu antisionisme masque souvent mal l’antisémitisme, Le Hyaric, directeur du journal l‘Humanité, est allé jusqu’à vociférer dans son discours de clôture5 de la fête de l’Humanité, que l’auteur du film hostile à l’islam est un « intégriste israélien ». Pourtant, on savait depuis deux jours déjà qu’il s’agissait d’un Égyptien copte vivant aux États-Unis. Quand bien même eût-il été israélien, pourquoi le préciser ? Pourquoi en vociférant ? Pourquoi entouré de plusieurs personnes arborant le keffieh (l’emblème de la lutte pour la reconnaissance de l’État palestinien et contre la colonisation), sur la tribune, en face de dizaines de milliers de personnes ? Pourquoi n’a-t-il pas aussi parlé des « insultes abominables » des intégristes musulmans et chrétiens contre les juifs ? Pourquoi n’a-t-il pas parlé de l’immonde livre dont se servent les antisémites chrétiens et musulmans, et que Hitler citait dans Mein Kampf : Les protocoles des sages de Sion ? Pourquoi n’a-t-il pas dit que ce livre pullule dans les milieux des religieux fanatiques musulmans et chrétiens ? Pourquoi n’a-t-il pas parlé du film sur l’exposition de propagande antisémite « Le juif et la France » qui y prolifère également ? Pourquoi n’a-t-il pas parlé de la série antisémite de trente épisodes, Diaspora, diffusée en Syrie, au Liban, en Jordanie et qu’on a même pu capter en France en 2003 et 2004 par le satellite… une série qui raconte le plan des juifs pour contrôler le monde, qui raconte qu’ils sacrifient des enfants chrétiens pour faire du pain avec leur sang ? Voir à ce sujet la décision de l’État français publiée dans le Journal Officiel du Sénat le 31/03/2005 page 920. Pourquoi n’a-t-il pas parlé du discours publiquement nazi du Premier ministre musulman malésien, Mahathir ? Il ne l’a pas pas fait. Là en effet s’appliquent les qualificatifs de populisme et de démagogie, dans la mesure où Le Hyaric a flatté les bas instincts du peuple. Il n’est pas nécessaire de caresser les extrémistes religieux antisémites – ni même les modérés non antisémites d’ailleurs – pour soutenir le droit des Palestiniens à avoir un État. Le Hyaric ne peut pas être naïf au point de ne pas savoir que ce conflit est ultra confessionnalisé, ultra récupéré et instrumentalisé par les antisémites musulmans et chrétiens. Mélenchon, lui, a immédiatement quitté le cortège d’une manifestation en faveur de la création d’un État palestinien (en 2010) lorsque des religieux s’y sont joints. De plus, Le Hyaric a ajouté que ce film est « une insulte abominable contre une religion, l’islam, et les musulmans ». Il confond donc la critique et l’insulte des religions, qui sont des droits fondamentaux, avec le racisme – on choisit sa religion, on ne choisit pas sa couleur de peau.]
Enfin vient le vocabulaire dépréciatif typiquement journalier. La journaliste titre son nouveau paragraphe « SÉDUIRE LES SYNDICALISTES”, et écrit que, « pendant la campagne, M. Mélenchon n’a pas ménagé ses efforts pour séduire les syndicalistes ». Il faut la comprendre : dans les écoles de journalisme, les maîtres apprennent aux élèves à remplacer les verbes « convaincre » et « argumenter » par « séduire »… L’emploi de ce verbe, chez les journalistes, est aussi typiquement poujadiste, ou/et anti-politique, consciemment ou pas.
Au menu de la semaine prochaine dans l’Observatoire : un torchon du journaliste de Libération Lilian Alemagna dont le titre est le même que celui de Raphaëlle Besse Desmoulières – torchon fabriqué avec la même méthode de la citation anonyme, dans le plus pur style alemagnien. Estomac solide indispensable.
Notes :
1. Entretien avec Le Journal du Dimanche. Les deux auteurs de l’article eux-mêmes n’ont évidemment retenu qu’une phrase, dont ils ont fait leur titre : « Mélenchon : Hollande, « un capitaine de pédalo dans la tempête » »
2. « Jean-Luc Mélenchon avec cocarde et bonnet phrygien »
3. Elle présente son propre blog comme ayant « pour objet de suivre les écologistes et la gauche de la gauche au sens large, non seulement les partis traditionnels (PCF, PG, NPA, LO…) mais aussi les différents mouvements qui gravitent autour ».
4. « Les oies du Capitole »
5. Le 16 septembre. Voir à la 1ère minute du discours.
La ficelle est un peu grosse, mais elle fonctionne : parler de « certains », « autres », « ancien proche », « un député », « un cadre » vient renforcer le propos de la journaliste, qui est que Mélenchon est un apprenti dictateur qui terrifie tout le monde, au point que ses critiques, même après s’être éloignées de lui, n’osent pas se découvrir. Ça fonctionne, et c’est pratique, puisqu’il n’y a pas de démenti possible.
Non au lynchage de René Balme ! Allez-vous aussi soutenir Caroline Fourest ? Ça va de pair, j’ai remarqué…
« Lynchage » ? Où ça ? Trouvez-vous normal que M. Balme ait traduit un « » » » » »poème » » » » » disant que « 4000 ouvriers israéliens » ne sont pas allés travailler le 11 septembre ? Qu’il parle en permanence de la vérité « officielle » (vocabulaire des conspirationnistes) à laquelle il ne croit pas ? Qu’il soit tant soutenu par les conspirationnistes antisémites ? Que son site Internet comportait des dizaines d’articles antisémites et haineux envers les homosexuels ? Je répondrai à votre question quand vous aurez répondu aux miennes.
O.P.I.A.M je me permet une réponse à cet article ici. Je doit dire que je me sentait un peu seul jusque alors à voire comment c’est avec précision et minutie qu’on lynche Jean-Luc Mélenchon et toute idée proposant une alternative. Et après, on fait croire que ses réaction sont violentes alors qu’il n’en est rien… elles ne sont une réponse appauvrie en brutalité et enrichie en respect qui n’est que le reflet (certes parfois teintée de ses idées) de leurs agressions!
Aujourd’hui j’ai peur pour mon avenir. Pas à cause de la crise, pas à cause du chômage. J’ai peur parce que nos dirigeants et nos médias sont de mèche pour faire taire pour cacher et tarir un élan démocratique.
Même si mes convictions rejoignent celles du Front de Gauche, mon soutient qui va à cette force politique n’aurait pas pu en être autrement étant donné le reste qui n’est que néant!
Deux remarques concernant cet article,
1/ On peut toujours critiquer la formule de JLM, à propos de Hollande, il n’empêche après 4 mois aux manettes, qui peut dire qu’il s’est trompé ? Oui, je l’affirme, Hollande est un capitaine de pédalo, et j’ajouterais, affrété par l’ump !
2/ Je ne partage pas votre avis concernant le fait que l’anti-maçonisme est le fait de l’extrême droite exclusivement; Non, c’est aussi le fait de l’extrême gauche et compagnie !
Enfin, J’aimerais que l’on soit lucide et que l’on arrête de qualifier le gouvernement actuel de « gauche » ! Non, tout juste social (bof !) démocrate (re bof). La gauche, la seule est celle du parti de gauche, et du front de gauche ! Ne nous trompons pas ou en tout cas, ne jouons pas à l’autruche !
1. L’antimaçonnisme en effet n’est pas le fait de l’extrême droite exclusivement, mais il n’existe presque plus dans l’extrême gauche.
2. Si la ligne du Front de gauche est de ne pas dire que le PS n’est plus de gauche, c’est stratégique : ce serait dangereux car cela paraîtrait sectaire. Il faut attendre que les citoyens se rendent compte de la dérive droitière du PS. De plus, les dirigeants du Parti communiste semblent n’avoir pas la même vision que le Parti de gauche sur cette question (encore deux élus « anonymes » communistes – prétend un journaliste du Nouvel Insulteur cette semaine – accusent Mélenchon d’extrémisme, de diviser, et l’un d’eux parle même de « sang sur les murs »…).
Le PS évidemment n’a de socialiste plus que le nom, mais si Mélenchon dit ça, alors déjà que les journaleux le classent comme « meilleur opposant » (comprendre « AVEC la droite et l’extrême droite), cela brouillerait les choses encore plus qu’elles ne le sont déjà.
EXCELLENT ARTICLE Quand à la franc maçonnerie façon fin XXème siècle pouahhh! copinage magouille et Cie les valeurs d’humanisme de morale universelle de probité y sont peu pratiquées. De toutes façons tout le monde sait désormais qui est franc maçon alors!
Peut-être, mais ce n’est pas le sujet. Il peut y avoir une critique de gauche de la franc-maçonnerie (exigeante), d’extrême gauche (sectaire et paranoïaque) mais la plus courante aujourd’hui est celle de l’extrême droite (royaliste et antisémite).
Pour ce qui concerne la critique de gauche, Mélenchon lui-même (si l’on croit les deux abrutis auteurs de sa biographie) a dit être déçu de la franc-maçonnerie, et ne presque plus y participer. Et il y a aussi de nombreux maçons, de gauche et de droite, d’obédiences diverses, qui critiquent ce qu’elle est devenue. Mais attention à ne pas répéter les ragots. Mieux vaut avoir des arguments et des preuves avant d’accuser.
Tout cela est peu important, le plus grave étant qu’il n’y a pas une rue , pas une place ni même une impasse (l’idée aurait pu venir de ses adversaires, mais ils n’ont pas d’humour…) avec le nom de l’Incorruptible Robespierre alors que les endroits baptisés Thiers le Massacreur sont légions!
N’est-il pas au moins aussi grave de salir chaque jour la Révolution dans les esprits ? Dans les livres d’école où l’on apprend que nazisme, stalinisme et communisme sont la même chose, sans nuance, réunis dans le paquet « les totalitarismes », apprendra-t-on bientôt que la Révolution nationale-socialiste d’Hitler, la Révolution nationale de Pétain sont la même chose que la grande Révolution de 1789 ?
J’avais trouvé délicieux ce passage dans le discours de JL.Mélenchon, lors de l’hommage à Robespierre. Je l’avais même extrait en vidéo :
http://www.youtube.com/watch?v=OuxUJZXXtvM
Voilà qui illustrera bien (le milieu de) l’article à ce propos.
Amicalement.
Yvan