Le journalisme politique « people », plaie de la République.

     La Une de Marianne de cette semaine est un parfait exemple de la domination actuelle d’un journalisme politique résolument nocif pour la République : le journalisme politique « people », qui écrase le contenu politique et pollue les débats.

Une de Marianne de la semaine du 1er au 8 juillet 2011.

« Ces névrosés qui veulent nous gouverner », titre Marianne. Sur fond d’affaire DSK, la politique spectacle bat son plein, et le « tous pourris » branchouille se réinvite dans le journalisme politique de bas étage. La personnalisation est poussée à l’extrême à travers sept pages de pseudo-psychanalyses visant tous les principaux candidats et potentiels candidats à l’élection présidentielle de 2012. Le ton employé n’est certes pas dénué d’humour. Les portraits oscillent entre des remarques prétendument sérieuses, livrées par des professionnels dont les brevets d’expertise sont ensuite étalés, et des diatribes plus ou moins mordantes.  Le but ? « Sonder l’âme de ceux qui nous gouvernent »… Autrement dit, jouer à « révéler » des secrets intimes, et bien faire rire le lecteur. Finalement, on ne sait trop si l’équipe de Marianne prend au sérieux cette initiative ou non. Qu’importe. Le but réel, le voici : vendre.

     Une psychanalyse des candidats… Les lecteurs et lectrices de Elle Magazine sont aux anges. Et puis en voilà un bon moyen de ne pas parler de politique, tout en donnant l’impression de le faire ! La journaliste Hélène Risser avait déjà sorti le coup de la psychanalyse à deux balles à Jean-Luc Mélenchon, dans une interview pour son émission « Déshabillons-les«  (sic) sur Public Sénat. On y voyait un psychanalyste sortir des clichés à l’emporte-pièce, à partir de la fameuse vidéo du coup de sang de Jean-Luc Mélenchon face à un étudiant en journalisme. Le candidat du Front de Gauche, prenant d’abord cette comédie à la rigolade, n’a ensuite bizarrement pas supporté d’être traité de sadique et de scatophile, à la grande surprise de l’innocente journaliste Hélène Risser qui avait monté le coup. Les pitreries de cette journaliste et de son équipe n’étaient en réalité que de la calomnie maquillée en innocente analyse. Alors en voyant cette Une de Marianne, et l’image de Jean-Luc Mélenchon collé sur un divan, comme par hasard, à côté de Marine Le Pen passant un bras derrière lui comme pour former un couple, j’ai immédiatement parié sur le fait qu’ils allaient en prime ressortir la même calomnie. Bingo !

Gros plan sur le photo-montage à la Une de Marianne

Tout est parti d’une blague de Jean-Luc Mélenchon qui, taxé de “bouffeur de journalistes” par ceux qui refusent obstinément d’entendre sa critique du système médiatique, s’était un jour risqué à ironiser sur cette caricature, en remarquant le “masochisme” des journalistes qui continuaient à venir interroger le vilain méchant qu’il serait.

On retrouve donc dans ce grand hebdomadaire, tiré en moyenne à plus de 200.000 exemplaires, les singeries du psychanalyste Jean-Pierre Winter : Jean-Luc Mélenchon est sadomasochiste ; il “retourne contre les autres sa grande violence intérieure”, due à un “traumatisme infantile”. Il pense que la prostitution, qui fait la Une d’un grand journal au lendemain d’une élection, est un « sujet de merde », donc il est scatophile. Mais il ne s’arrête pas là, ni Anna Topaloff d’ailleurs, qui s’amuse à en rajouter une couche :

À croire qu’il n’a pas dépassé le stade “anal-sadique” développé par Freud, celui où l’enfant, entre 1 et 3 ans, prend plaisir à l’expulsion des matières fécales. Autrement dit : Mélenchon jouirait en déféquant sur les journalistes ! Foi de psychanalyste.

     Le ton se veut léger, cocasse, mais n’enlève rien à la violence des propos, illustrés par une photo de Jean-Luc Mélenchon soigneusement choisie – elle lui donne l’air d’être légèrement tourmenté. Le portrait se clôt sur une remise en cause de la prétendue analyse de Jean-Pierre Winter, mais le mal est fait. “Les psys […] s’en donne[ent] à cœur joie”, ironise la journaliste, qui prend joyeusement leur suite en colportant la calomnie.  Un petit lynchage cool, branchouille, à ne pas prendre au sérieux. Je suis certaine qui si j’écrivais à des centaines de milliers de personnes, pour rigoler, que cette journaliste était, selon un « expert », scatophile, celle-ci le prendrait très bien. Après tout, on rigole ! C’est du journalisme “décalé” à la Yann Barthès. Quand on pense que Marianne se veut un journal sérieux, engagé, et prétend même incarner la République française… Médiocrité, vulgarité et sensationnalisme se substituent à l’analyse et à la critique des lignes politiques : c’est le néant politique et intellectuel.

Les médias de masse restent encore la principale source d’information sur la vie politique pour l’immense majorité des citoyens. La République, qui repose sur la possibilité qu’a le peuple de trancher entre des positions contradictoires, ne peut aujourd’hui exister si ces positions ne sont pas clairement présentées au peuple dans les médias de masse, et encore moins si le faux journalisme politique, qui ne s’occupe que d’apparences et de préjugés, s’y confond avec le vrai, voire le remplace purement et simplement. Oui, aujourd’hui, l’immense majorité des journalistes politiques restent au raz des pâquerettes, et la République agonise aussi à cause de ça. Et si même les journaux dits de gauche en sont là, c’est qu’elle est plus que jamais menacée. Et encore ! Pour un journal ayant l’ambition de représenter les valeurs de la République, contribuer à la mettre en danger est un terrible paradoxe ; et nous devrions rigoler, prendre ça à la légère…            Au fond, cette Une ne serait-elle pas une représentation du monarchisme refoulé de ces journalistes ? En effet, titrant leur journal républicain « ces névrosés qui veulent nous gouverner », ils semblent oublier jusqu’à la définition même de la démocratie : c’est le peuple, chers journalistes, qui doit gouverner, et personne d’autre ; et pour qu’il gouverne, en ayant en vue le bien commun – c’est la définition de la République – il faut qu’il puisse trancher entre des propositions clairement définies. Ces journalistes se seraient-ils en somme tant éloignés de la pratique d’un journalisme politique compatible avec la République qu’ils en auraient oublié les fondements mêmes ?

Laissons finalement Jean-Luc Mélenchon répondre lui-même à ces faux journalistes politiques :

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Une réponse à Le journalisme politique « people », plaie de la République.

  1. Leblond dit :

    j’ai une mauvaise nouvelle, Jean Luc Mélenchon est de droite.
    http://www.wsws.org/francais/News/2011/jul2011/frdg-j05.shtml

    vous apprécierez la rhétorique ……

    • Sidney la Mèche dit :

      Un ramassis de conneries partisanes développées par des théoristes du complot persuadés de détenir des vérités absolues.

      Le pire, c’est qu’il va falloir s’en taper des pages entières pendant les mois qui viennent, et contrargumenter. Rien que d’y penser, je suis déjà crevé… mais bon.

  2. Igor Thiriez dit :

    Ces psychanalystes sont parmi les plus réputés de notre pays, un pays qui demeure parmi les plus réputés au monde en matière de psychanalyse… C’est dire où cette discipline en est aujourd’hui…
    Quant à votre Mélenchon constipé au stade anal, sachez qu’il aurait pu prendre pire, comme le pauvre Bayrou présenté comme un délirant, ou Ségolène Royal bisexuelle et j’en passe.
    N’hésitez pas à passer lire ma vision de ce numéro de foire : http://igorthiriez.wordpress.com/2011/07/10/cartel-de-psychanalyse-preelectorale/

  3. Elise dit :

    Je n’ai pas lu l’article de Marianne. Je ne sais donc pas quels sont ces professionnels.
    Pour info: le titre de psychanalyste n’est pas protégé. Actuellement pour ce dire psychanalyste, nul besoin de diplômes, d’études… simplement avoir fait, soi-même une psychanalyse! (C’est dire parfois le haut niveau qu’on peut attendre de ces professionnels – qui parfois sont toutefois excellents (souvent, ceux-ci sont également psychologues ou psychiatres)… Mais le psychanalyste intervenant dans l’émission de la Chaîne Parlementaire (je l’avais visualisée il y a peu) est vraiment naze!)
    Le titre de psychothérapeute est en train d’être protégé. Jusqu’alors: tout le monde pouvais se dire psychothérapeute. Maintenant… il faut prouver qu’on a été psychothérapeute pendant 5 ans… Les ex-psychothérapeutes se disent maintenant « psychopraticiens ». Encore un truc qui ne veut rien dire.
    Le titre de psychologue (dont je suis) est protégé depuis 1985. Il faut avoir un bac+5 en psychologie, de type Master Professionnel (ou recherche+stage validé), ou DESS (ou DEA+stage). Un docteur en psychologie (bac+8) n’est pas forcément psychologue… Les psychologues sont soumis à un Code de Déontologie ( http://www.psychologues.org/modules/smartsection/item.php?itemid=22 ), selon lequel: « Il n’intervient qu’avec le consentement libre et éclairé des personnes concernées. »; « Les avis du psychologue peuvent concerner des dossiers ou des situations qui lui sont rapportées. Mais son évaluation ne peut porter que sur des personnes ou des situations qu’il a pu examiner lui-même.  » Conclusion: si un psychologue se permet de se livrer à une évaluation (dont diagnostic) psychologique, alors il se doit de l’avoir examiné lui-même, de lui avoir demandé son consentement, et est soumis au secret professionnel. Dans le cas contraire, la Commission Nationale Consultative de Déontologie des Psychologues peut être saisie ( http://cncdp.fr/ )
    Quant aux psychiatres, ils sont médecins avant tout (bac+8), puis ont fait une spécialisation de 4 ans en psychiatrie (donc bac+12 au total). Ils sont soumis au serment d’Hippocrate.

  4. pascal lefevre dit :

    Comme le dit Elise les psychologues et les psychiatres sont soumis à des règles de déontologie.
    Pour preuve, un psychiatre belge ayant écrit dans un journal que Bart de Wever (président du parti belge NVA) était un « enfant roi » ( ce qui est très léger comparé à l’article de Maianne) c’est vu sermoner par l’ordre des médecins (poser un diagnostic sans avoir reçu le patient…)

  5. François dit :

    Bonjour,
    Au vu de l’abondance de matière dans le domaine traité par ce site, il y aurait du travail pour une équipe. Et non seulement pour dénoncer ici la propagande mais aussi pour mettre ces dénonciations sous le nez des clients des media incriminés. Les visiteurs de l’OPIAM ne sont-ils pas déjà convaincus?
    Aussi je me demande s’il ne serait pas intéressant de faire de ce site une sorte de wiki, à participation éventuellement contrôlée, afin de ratisser l’ensemble des media, peut-être de les classer du pire au meilleur, de diffuser une typologie des méthodes (dans la lignée de l’ « autodéfense intellectuelle » de Normand Baillargeon), etc..
    Si l’on disposait d’un tel document, permettant de montrer « sur pièces » que tel media s’y prend de telle manière, que tel discours correspond à telle technique, ce serait d’une grande aide pour le contre-feu, auprès de notre entourage comme sur le web.
    En plus ce serait un sacré travail d’éducation populaire, car ces connaissances pourraient aider à dépister bien d’autres inepties et propagandes.
    Bien entendu, je ne proposerais pas cela si je n’étais pas volontaire moi-même, pour suivre un « bouquet » de media et/ou participer à la catégorisation.
    Ne lâchons RIEN. Leur sale boulot est permanent, insidieux, dangereux. Dernier exemple: combien de fois avez-vous entendu dire « la gauche » à la place de « le PS » ?

  6. vive le web dit :

    Il faut stopper le liberalisme le plus vite possible w, le liberalisme est anti francais par essence et detruit le role de l’etat au profit des americains

  7. Bonjour,
    je suis étudiante en communication à Londres et écris mon mémoire sur la peopolisation dans la presse écrite française. Je m’intéresse particulièrement à ce que vous, français, en pensez.
    Pour finir mon projet je cherche donc à récolter le plus de réponses possible à mon sondage.
    Pourriez-vous prendre 5 minutes pour y répondre, ou encore mieux mettre un lien sur votre blog?
    Ce serait une aide précieuse.

    Voici le lien,
    https://www.surveymonkey.com/s/SVW8Q7Y

    Merci.

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