Une journaliste d’Europe1 banalise l’extrême droite

     Dans sa dernière analyse sur le lepénisme médiatique, Antoine Léaument a démontré qu’un grand nombre de journalistes déguisent les propos racistes et antisémites – entre autres – du Front national en « dérapages ». Un mot lourd de sens, tout sauf neutre, objectif et innocent, comme il l’explique dans « Le « dérapage » de Le Pen (1/3) – La banalisation des horreurs« .
Cette banalisation de l’extrême droite va toujours de paire avec la diabolisation de la gauche. Ainsi, pendant la campagne présidentielle de 2012, le 19 janvier, Arlette Chabot, journaliste à Europe1, vola au secours de Marine Le Pen après que Jean-Luc Mélenchon la qualifia de « semi-démente ». J.-L. Mélenchon avait pourtant expliqué en quoi consistait cette semi-démence dans le détail, et longuement, lors de discours, de conférences, de débats, d’émissions télévisées et radiodiffusées¹. Mais la journaliste, très choquée de ce mot, demanda quatre fois à la radio – en toute objectivité et impartialité – si J.-L. Mélenchon avait ainsi « dérapé » :

Il s’agit d’un retournement complet de la réalité : la journaliste reproche à l’homme de gauche, au républicain universaliste, égalitariste et antiraciste d’avoir dit que Le Pen est atteinte d’une haine démentielle contre les Arabes, les Juifs, les Roms, les homosexuels, etc. À l’inverse, quand le milieu médiatique est forcé de reconnaître que cette haine devient trop flagrante, il la décrit comme n’étant qu’un simple « dérapage », terme qui, appliqué à l’extrême droite, devient complaisant – car le « dérapage », c’est l’exception qui confirme la règle. C’est comme si le reste du temps, il y avait au FN un racisme sans « dérapage », c’est-à-dire un racisme light, modéré, centriste, humaniste, acceptable. S’il y a des « dérapages », c’est qu’il y a une conduite qui est habituellement sans dérapages, normale. C’est donc que le FN est un parti comme les autres. Le monde médiatique étant lui-même très travaillé par le lepénisme, il est donc logique qu’un si grand nombre de journalistes œuvrent avec zèle à sa banalisation.

     Moins d’un mois après l’émission d’Europe1, c’est au « Grand Journal » de CANAL+, le 9 février², que les journalistes prenaient aussi la défense de Marine Le Pen. Ariane Massenet trouvait que « semi-démente », c’était « un peu violent ». Jean-Michel Aphatie trouvait que « l’insulte », c’était « un peu choquant ». Comme tant d’autre journalistes, ils n’avaient relevé que deux mots d’un discours d’une heure et demie. Les 20 minutes d’explications sur l’incohérence du programme du FN que Mélenchon avait données lors de son dernier discours n’avaient pas intéressé les journalistes investigateurs et déontologiques. Le « Grand Journal » – à l’image du « Petit », dont l’animateur Yann Barthès a fait un geste antisémite à l’insu de son plein gré – veut « du clash et du buzz » [4]. Deux mots, ça clashe et ça buzze. Pas 20 minutes.

     Quant au titre objectif et impartial de cet article anonyme [5] produit par Europe1, il n’a toujours pas été jugé digne d’être détecté par la détectrice des éléments de langage d’Europe1, Delphine Legouté :

http://i1.wp.com/opiam2012.files.wordpress.com/2014/05/dc3a9zingue.jpg?w=640

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Notes :

1. Voir les meetings de Besançon, 24.01.2012, Villeurbanne, 07.02.2012, Montpellier, 08.02.2012.
2. Voir « « Front (de gauche) contre Front (national) » : « Le Grand Journal » referme le cercle de la raison », Acrimed, Matthieu Vincent, 16 février 2012.
3. Voir « Yann Barthès a fait une quenelle en 2012 à l’insu de son plein gré », Les Inrockuptibles, David Doucet, 20/11/2013.
4. Devise du Petit Journal.
5. « Le Pen dézingue Mélenchon », 4 juin 2012.

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Une réponse à Une journaliste d’Europe1 banalise l’extrême droite

  1. Dorzédéjà dit :

    Le problème, c’est le papa. Ce doit être une vraie souffrance, pour fifille, d’avoir à le pousser vers la sortie, lui et son racisme suranné. Un racisme moderne, adoubé par les médias, présentable aux yeux de l’étranger, voilà la noble mission de fifille. Grâce à Canal+, à RMC- BFN et à France-cul, elle est en passe de la réussir. Mort aux ringards ! Vive la modernité !

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