Pour un journaliste du « Monde », Mélenchon = Le Pen…

…Et Svoboda n’est que « nationaliste », ce n’est pas un parti néo-nazi. Mais en fait peut-être que si… ou que non. Les néo-nazis y sont-ils majoritaires, minoritaires, marginaux ? « Je n’en sais rien, je ne peux pas vous dire ». Au cours d’un débat organisé par Arrêt sur Images le 9 mai, un journaliste a diabolisé Mélenchon en l’assimilant à l’extrême droite et a dédiabolisé les fascistes, fidèle à la ligne du journal Le Monde. Puis il s’est nuancé, très maladroitement.

     Il y a un an, le 4 mai 2013 – la veille d’une grande manifestation du Front de Gauche –, Le Monde a consacré un dossier spécial à Mélenchon. Intitulé « Le grand MÉCHANT Mélenchon » (« MÉCHANT » était en majuscules), ce dossier très objectif, déontologique et composé de quatre photographies truquées en couverture, assimilait sournoisement Mélenchon à Hitler. Cela a été démontré par André Gunthert, historien et enseignant-chercheur en culture visuelle, dans son analyse « Mélenchon malpoli, Mélenchon nazi ». Aucun média n’a considéré cela comme digne d’information. Et surtout pas Le Monde – qui a manqué une occasion de prouver qu’il est un journal « de référence » en pratiquant l’autocritique. Il y a quelques jours, quand J.-L. Mélenchon a évoqué la diffamation de ce journal, le journaliste d’Europe1 Sylvain Chazot l’a accusé de « point Godwin »¹. Sans doute le journaliste tout innocent ne voit-il pas la diffamation. Évidemment, il ne saurait ne pas vouloir la voir. Interpellé sur Twitter par A. Gunthert, il n’a pas daigné lire son analyse. L’OPIAM lance donc un appel à interpeller les journalistes : pourquoi n’y a-t-il eu aucune enquête sur ces photographies truquées par le grand journal « de référence » ? Pourquoi ce traitement médiatique de Mélenchon n’est-t-il pas lui-même objet de traitement médiatique ?

      La dédiabolisation de l’extrême droite va toujours de pair avec la diabolisation de Mélenchon. C’est ce qui s’est encore passé le 9 mai, au cours d’un débat organisé par Arrêt sur Images² sur la situation en Ukraine. Le journaliste du Monde Piotr Smolar a transformé les néo-nazis de Svoboda en simples « nationalistes ». L’animateur demandait : « Les médias français ont-ils un parti pris pro-ukrainien et anti-russe ? C’est la question que certains posent depuis le dramatique incendie d’Odessa où l’on a pu avoir l’impression que les médias français ont eu du mal au départ à dire que les victimes étaient « pro-russes ». » Les invités étaient Piotr Smolar, journaliste au Monde, Véronika Dorman, correspondante de Libération à Moscou, et le blogueur Olivier Berruyer.

     Au début du débat, M. Berruyer fait remarquer au journaliste du Monde que l’actuel gouvernement ukrainien a été composé, au premier jour, de six néo-nazis, soit près d’un tiers (19 membres). Le journaliste du Monde répond en qualifiant le parti ouvertement néo-nazi de Svoboda de seulement « nationaliste ». Quand l’animateur du débat Daniel Schneidermann lui demande s’il y a des ministres de Svoboda dans le gouvernement, le journaliste du Monde minimise la gravité du fait. Il répond : « Pas dans les fonctions les plus importantes et de toutes façons, pas dans les questions de sécurité ».

     Puis M. Berruyer rappelle que le parti Svoboda s’appelait, à sa fondation en 1991, « Parti Social-Nationaliste d’Ukraine ». Fondé par Oleh Tyahnybok, qui est toujours le président du parti. Là, le journaliste du Monde demande : « Et alors ? ».

     M. Berruyer ajoute que « l’intellectuel du parti, député, et très en vue de Svoboda, a créé le centre d’études politiques Joseph Goebbels » (ce que confirme par exemple le journal anglais The Telegraph³). Puis il montre une photo d’Oleh Tyahnybok faisant un salut nazi. Il montre aussi le précédent logo de Svoboda, qui est dans la continuité de celui de la Waffen-SS. Enfin il montre des photos de ré-inhumation de Waffen-SS (re-enterrés avec les honneurs militaires) au cours d’une cérémonie, en uniformes nazis. On peut trouver ces photos dans toute la presse. Quand ils ne portent pas l’uniforme nazi, les Dieudonné & Soral ukrainiens portent l’uniforme des déportés juifs. Dans The Telegraph [4], on trouve par exemple cette charmante photographie d’un manifestant de Svoboda :

http://i0.wp.com/blogs.telegraph.co.uk/finance/files/2013/12/Ukraine_2744450b-460x288.jpg?resize=460%2C288

Comme le « dissident » Soral sur la page d’accueil de son site Internet, les « nationalistes » de Svoboda aiment bien se déguiser.

nazi

 

     Questionné par le journaliste d’Arrêt sur Images, le journaliste du Monde finit par dire qu’ « il y a très certainement des gens au sein du parti Svoboda qu’on peut assimiler à une idéologie xénophobe, voire même néo-nazie ». Le journaliste d’Arrêt sur Images demande : sont-ils « majoritaires, minoritaires, marginaux dans le parti ? ». Celui du Monde répond :

« Je n’en sais rien, je ne peux pas vous dire »

Le blogueur fait remarquer : « mais vous n’êtes pas journaliste ? ». Pour résumer, le journaliste du Monde commence par affirmer que Svoboda n’est que nationaliste et pas néo-nazi, puis se nuance au fil de l’émission. Depuis le début du conflit en Ukraine, plusieurs journalistes tentent de minimiser le fait qu’il y a des néo-nazis au pouvoir en Ukraine. Au journaliste Patrick Cohen qui avait répondu à J.-L. Mélenchon qu’il y avait trois néo-nazis et non pas quatre, Mélenchon avait dû rappeler qu’un seul, c’est un de trop (et à l’époque, il y en avait bien quatre).

Mélenchon = Le Pen

     Si le journaliste du Monde Piotr Smolar ne sait pas s’il y a des nazis au pouvoir, il sait en revanche que Mélenchon et Le Pen, c’est la même chose.  À 39′, il dit :

« Aujourd’hui franchement si vous regardez par exemple, il y a quelque chose d’intéressant c’est que, sur la Russie, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon marchent main dans la main. »

À Daniel Schneidermann qui lui fait remarquer qu’il est un peu hors-sujet, il répond que « non, on est pas dans autre chose » :

« Pourquoi ? Parce que ça recoupe en grande partie le discours russe, notamment sur le sentiment anti-UE, sur l’anti-américanisme, sur l’anti-OTAN ».

     Il aura sans doute échappé au journaliste que Mélenchon est hostile à l’Union européenne telle qu’elle est actuellement, c’est-à-dire antisociale. Mélenchon est contre cette UE en tant qu’internationaliste, Le Pen l’est en tant que nationaliste. Mélenchon milite pour une Europe solidaire, sociale. C’est l’Europe de la concurrence « libre et non faussée » qui est anti-UE. Pour le reste, que répondre à quelqu’un qui pense que contester la légitimité de l’OTAN et l’agressivité du gouvernement américain, c’est être anti-américain et être égal à Le Pen ? Enfin, sur la question du gouvernement russe, Mélenchon a déjà dit plusieurs fois qu’il ne soutient pas Poutine. Voici, extrait d’une note de blog de Mélenchon (11.03.2014), « un panneau  de signalisation pour les Mickey médiatiques », si prompts à dénoncer « les extrêmes » et « les extrémistes », mais étrangement si peu enclins à la nuance quand il s’agit d’une situation géopolitique aussi compliquée que celle de la crise en Ukraine ; si prompts à accuser Mélenchon d’antisémitisme, mais étrangement si silencieux sur le sort de la communauté juive d’Ukraine :

mickey

 ***

1. « Jean-Luc Mélenchon reproche au « Monde » de l’avoir présenté « dans les mêmes positions d’orateur » qu’Adolf Hitler », 6 mai 2014.
2. « Ukraine : « En occident, la propagande russe l’a emporté ». Journalistes contre blogueurs : deux logiques »
3. « 
Ukraine: the opposition aren’t all angels. Some are neo-Nazis », Tim Stanley, 21.02.2014.
4. « The stand-off in Kiev shows the EU’s greatest weakness – and its greatest strength », Mats Persson, 17.12.2013.

 

 

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Une réponse à Pour un journaliste du « Monde », Mélenchon = Le Pen…

  1. Khajidu dit :

    soyons classe au monde, et finissons les malades à coups de pied… le jour où le journaleux en question a fait cette sortie, méluche était au fond de son lit avec la grippe…

  2. le Prolo du Biolo dit :

    « Pas de ministres fachos, et en tout cas pas aux questions de sécurité », dans le gouvernement autoproclamé de Kiev ??
    Il a du rater un épisode le journaliste « d’investigation » …
    Au contraire, ils sont aux postes clés et pour tout ce qui concerne la force publique.
    A cela on rajoute le poste de procureur général, et on a le tableau parfaitement démocratique des autorités de fait en Ukraine ….
    Mais non, à part ça rien à voir avec la sécurité ni avec la justice !
    Encore un bon toutou.

  3. Lorsque les occidentaux parlent des pro-européens ce sont de gentils ukrainiens qui veulent rejoindre l’Europe tandis que les pro-russes sont de méchants petits hommes verts qui veulent rejoindre le MAL qui est la RUSSIE…… Les médias occidentaux expliquent la crise ukrainienne comme le BIEN contre le MAL….. C’est aberrant

    Lisez cette article sur l’Ukraine svp

    http://silencedogood99.wordpress.com/

  4. Dorzédéjà dit :

    J.L.Mélenchon est parfaitement capable de détenir des informations que les médias occultent. Ce sac de nœuds qu’est l’embrouille ukrainienne lui permet, indépendamment de toute considération sur le fond du problème, de désigner une fois de plus la médiocrité des journalistes, c’est-à-dire d’être très-très méchant avec eux.

  5. Fabien dit :

    Je voudrais vous signaler un véritable petit bijou de stupidité, signé Romain Lescurieux dans l’édition du 16 mai de 20 minutes. Je vous le reproduis ci-dessous, ça vaut le détour:

    Politique
    les sceptiques de l’europe divisés

    D’un côté, les europhobes. De l’autre,
    les eurocritiques. Les eurosceptiques
    sont une grande famille éclatée. Les
    premiers regroupent aussi bien des
    partis d’extrême droite (Front national,
    Parti pour la liberté au Pays-Bas, Jobbik
    en Hongrie, etc.) que d’extrême gauche
    (Front de gauche, Syriza en Grèce, etc.).
    Ils rejettent en bloc l’Union européenne.
    Les seconds (le Parti conservateur britannique,
    le Parti démocratique civique
    tchèque, les souverainistes en France…)
    s’opposent à la manière dont l’Europe
    se construit. Il existe trois votes pour
    expliquer cette logique. Le vote-sanction
    vis-à-vis des hommes politiques et
    des dirigeants, le vote de déception
    quand l’Union européenne peut paraître
    comme inefficace et assortie d’une
    monnaie qui n’est pas à la hauteur et
    enfin le vote sceptique qui regroupe les
    électeurs désirant une Europe qui
    change de direction.
    Romain Lescurieux

    Allez, assieds-toi Romain et écoute bien, on va t’expliquer lentement et avec des mots simples.

    Ainsi, tu veux démontrer que ceux qui critiquent l’Europe sont divisés, les idiots. Tu cites les conservateurs britanniques et le Front de Gauche par exemple. Mélenchon et les héritiers de Thatcher, ce n’est pas exactement la même chose, tu vois. Si, si je t’assure. Demande à ton petit frère de 3e qui est Thatcher, ça doit être à son programme d’histoire. Alors bon, que des gens qui ne sont d’accord à peu près sur rien soient divisés, il faudra m’expliquer où est l’info.

    Tu assimiles par ailleurs le Front de Gauche à l’extrême gauche. Le FG ne se revendique pas de l’extrême gauche, il ne conteste pas la démocratie parlementaire, ne prône pas l’action violente et a un programme plutôt plus modéré que le PS du programme commun, mais passons. En brave garçon que tu es, tu répètes les inepties des « vrais pros ». C’est comme ça qu’on apprend.
    Mais là où tu fais très fort, je dois dire, c’est quand tu répartis les forces politiques entre « europhobes » et « eurocritiques ». Tu mets dans le premier camp notamment le FN, le Front de Gauche et Syriza, et dans le second l’ODS tchèque, les conservateurs britanniques et nos souverainistes hexagonaux. Tu n’aurais pas inversé, par hasard? Ta maman t’avait dit, pourtant de ne pas fumer de pétard avant de te mettre devant ton clavier…

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