Le journaliste Lilian Alemagna parle-t-il comme Marine Le Pen ?

Mélenchon = « sa propre caricature », Delapierre = Le Pen

     Le 30 décembre, Libération a publié « Le parler cru de Mélenchon », article de Lilian Alemagna. Sous-titre : « La provocation comme stratégie ». Commençons par la conclusion de son article, qui est la plus injurieuse, puisqu’elle assimile François Delapierre, républicain socialiste antiraciste, au FN, parti antirépublicain et raciste. Et notons une fois de plus que les assimilations de la gauche à l’extrême droite par des journalistes se situent souvent en conclusion d’article – procédé doublement innocent et objectif.

I. Le journaliste, nuancé et perspicace, assimile Delapierre à Le Pen

« On ne devrait pas être en reste durant la campagne européenne : mi-décembre, au congrès du Parti de la gauche européenne à Madrid, Delapierre a testé une nouvelle formule polémique. Il a dénoncé le «PPSE», mélange de PPE et de PSE, les formations européennes dont font partie l’UMP et le PS. Une formule qui rappelle l’«UMPS» utilisé par le FN.« 

Comparons maintenant des propos du journaliste Lilian Alemagna, à des propos de la militante raciste Marine Le Pen. Cela avait déjà été fait dans le recueil de « ces journalistes qui parlent comme Le Pen » :

1. Quand Mélenchon a dit qu’il fallait faire une « grande opération nettoyage » à Hénin-Beaumont, Le Pen a répondu que ça lui rappelait « führieusement les nettoyages ethniques ». C’est exactement la même conclusion qu’ont tirée une meute de journalistes, dont Lilian Alemagna¹. En effet, quand Jean-Luc Mélenchon a parlé de « purifier cette atmosphère politique absolument insupportable », Lilian Alemagna et  de nombreux autres journalistes ont tout de suite assimilé Jean-Luc. Mélenchon, par le jeu de mots « purification éthique« , à un homme qui veut faire de la purification ethnique.

2. Là encore, dans ce même article sur la « purification éthique » le journaliste de Libération Lilian Alemagna a employé les mêmes arguments que Marine Le Pen :

« Jean-Luc Mélenchon ne veut pas laisser le champ de l’antisystème à la seule Marine Le Pen. Et compte bien faire oublier qu’il a été trente-deux ans au Parti socialiste, ancien sénateur puis ministre de Lionel Jospin. »

Il s’agit précisément de l’un des arguments favoris de l’extrême droite : qui a passé plus de trente ans au PS n’a pas le droit de changer, n’a pas le droit de critiquer. Le fait que Mélenchon a longtemps lutté à l’intérieur du PS pour essayer de contrer sa dérive droitière n’est pas mentionné. Le fait qu’il reconnaisse son erreur de diagnostic non plus. Il a pourtant déjà dit qu’il aurait pu – dû ? – partir avant. « Mieux vaut jamais que tard » : telle est la maxime des sectaires et des lepénistes qui se répètent les uns les autres tels des perroquets : « Mélenchon-30-ans-au-PS ! », « Mélenchon-30-ans-au-PS ! », « Mélenchon-a-été-sénateur ! ». Conclusion : Alemagna = Le Pen ?

II. Le journaliste antipolitique s’enferme dans sa propre caricature

Voici maintenant l’introduction de l’article :

« «Mettre du conflit partout.» La stratégie définie au congrès du Parti de gauche, à Bordeaux en mars, va se poursuivre en 2014. François Delapierre l’avait inaugurée en traitant à la tribune Pierre Moscovici de «salopard» pour ne pas avoir soutenu Chypre. Puis Jean-Luc Mélenchon, lui-même, s’est mis à ce «parler cru et dru» qui «éveille les consciences, provoque du débat». Au JDD, il dénonce un Manuel Valls «contaminé par le FN», puis se moque sur Twitter d’une Marine Le Pen qui «se casse le cul dans sa piscine» pendant qu’il se «casse le cul pour les ouvriers».
Une dose de provocation dont les médias raffolent… Quitte à se laisser enfermer dans sa propre caricature. »

En effet ici, le journaliste s’enferme dans sa propre caricature, puisqu’une fois de plus il crache son venin neutre et objectif sur Mélenchon. Pourtant, il aurait pu surprendre son lecteur en faisant autre chose que citer des petits bouts de phrases, toujours les mêmes, qui ont toujours le même but : « faire le buzz« , empêcher la pensée, qui est le contraire du « buzz« . Car la pensée est patience, méditation, lenteur. Alemagna aurait pu ne pas défigurer ce qu’est Mélenchon : un intellectuel qui, quand il a le temps, en meeting par exemple, prend de longues minutes à expliquer telle ou telle chose dans le détail pour appeler les citoyens à la pensée. Mais de même que des journalistes du Grand Journal n’ont retenu que quelques mots² d’un meeting de plus d’une heure et d’une explication de 20 minutes sur le Mécanisme Européen de Stabilité (Marine Le Pen est une « semi-démente » ; elle est « bête »), de même c’est l’habitude de Lilian Alemagna de répéter sans cesse des petits mots de Mélenchon, de choisir en toute objectivité et neutralité le format court de la non-pensée, plutôt que celui de la pensée, c’est-à-dire les propos détaillés de Mélenchon, non ôtés de leur contexte. Une fois de plus, le journalisme prouve encore qu’il est incompatible avec la pensée. Oh ! Surtout, ne pas faire de généralités ! Non non, la paresse de la pensée, l’absence de pensée ne sont pas largement répandues dans les médias. Pas du tout ! Tout va bien.

III. Le journaliste-curé donne sa leçon au pécheur Mélenchon :

« Ainsi, après la manifestation du Front de gauche le 1er décembre contre la hausse de certains taux de TVA au 1er janvier, Mélenchon a fait le tour des plateaux pour… expliquer pourquoi il y avait bien 100 000 personnes et non 7 000 comme annoncé par la préfecture de police. Au lieu d’utiliser son temps d’antenne pour exposer ses propositions. »

Il aura sans doute échappé à la perspicacité du journaliste que J.-L. Mélenchon ne décide pas de ce dont il parle quand il est invité à la télévision. Il lui aura aussi échappé que J.-L. Mélenchon déplore régulièrement le fait de ne pas pouvoir aborder pouvoir le fond des problèmes. En revanche, ce qui n’a pas échappé au journaliste neutre, objectif et impartial, c’est le dysfonctionnement – quel qu’il soit. Mettons que Mélenchon ait eu la possibilité d’exposer ses propositions, mais ait fait l’erreur de ne pas les exposer. C’eût été un dysfonctionnement dans sa stratégie. Et le journaliste, tel une hyène, se jette systématiquement sur ce qui dysfonctionne, plutôt que de s’intéresser à ce qui fonctionne. C’est une règle du journalisme neutre et objectif.

IV. Le journaliste – objectif, impartial et soucieux du sens des mots – classe Mélenchon dans une catégorie insensée

« Peu importe, l’objectif reste le même : se poser en représentant de l’antisystème et ne pas laisser ce champ-là à la seule Le Pen. Et pour cela, rien de mieux à ses yeux que d’être diabolisé par la «caste médiatique». En mars, il avait prévenu devant des journalistes : «Tant que vous dédiabolisez [Marine Le Pen] et que vous me diabolisez, vous êtes ma meilleure équipe de communication.» »

Mélenchon ne s’est jamais dit « antisystème », journaliste. Car ce mot n’a aucun sens. Mélenchon est socialiste et anticapitaliste. Contre le système capitaliste.

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1. Voir « Affaire Cahuzac : Mélenchon pour la « purification » éthique » (mot que Mélenchon n’a jamais prononcé).

2. Voir « « Front (de gauche) contre Front (national) » : « Le Grand Journal » referme le cercle de la raison », ACRIMED, Matthieu Vincent, 16.02.12.

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4 réponses à Le journaliste Lilian Alemagna parle-t-il comme Marine Le Pen ?

  1. blog dit :

    Le journaliste Lilian Alemagna parle-t-il comme Marine Le Pen ? | Observatoire de la propagande et des inepties anti-Mélenchon all hail the black metal kings Phantom
    blog http://bestblackmetal.weebly.com/

  2. Wild ar-Rachid dit :

    « Le PPSE… Une formule qui rappelle l’“UMPS” utilisé par le FN »

    Qui rappelle surtout le « PPSOE » des indignés espagnols, comme l’a expliqué Delapierre dans la même phrase: http://www.lepartidegauche.fr/actualites/edito/mise-en-place-26315

    Mais comme d’habitude, Alemagna et ses semblables préfèreront tronquer la citation et imaginer une proximité qui arrange leur thèse préfabriquée.

  3. Wild ar-Rachid dit :

    « Mélenchon ne veut pas laisser le champ de l’antisystème à Le Pen »

    Dans ce cas, il faudra qu’il batte également ce néonazi d’Edwy Plenel, qui est capable de stigmatiser le « système » au moins 10 fois en 20 minutes de discours:
    http://www.dailymotion.com/video/xz8ehs_retrouver-la-democratie-edwy-plenel_news

  4. maximilien R dit :

    Le premier acte militant est de ne pas acheter la presse à scandale tel que le Monde , Liberation (je ne dis pas  » Libé  » ça leur donne un côté sympa et jeun , ce qu’ils ne sont pas) nouvel observateur (idem que pour le précédent ) le figaro, marianne….

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