PLUTÔT LE PEN QUE MÉLENCHON

Un article de Paul Klein paru dans Charlie Hebdo le 20 juin 2012 :
Le traitement de M. Mélenchon par les médias fait le lit du FN

     La façon dont les médias ont couvert la défaite de M. Mélenchon face à Mme Le Pen confirme l’existence entre elle et eux, de cette « collusion objective » dont nous parlions la semaine dernière.

     On ne parlait que du « triomphe » de l’une « souriante« , et de la « douche froide« , de la « claque » (Metro) qui s’était abattue sur l’autre, « pulvérisé » (Le Parisien) : « M. Mélenchon s’est surestimé une fois de trop […] À trop s’être laissé griser, il finit par faire… grise mine », dit M. Gattegno (Le Point, RMC), un as du bel esprit. M. Joffrin (Le Nouvel Observateur) et M. Mazerolles (BFM) ont paternellement expliqué à ce jeune fou qu’il aurait dû faire comme tout le monde et dire que l’immigration était un  problème. « Mme Le Pen bat sèchement M. Mélenchon« , a dit Le Monde, qui nous sert une antienne qu’on retrouve partout : « La présidente du FN a infligé une nouvelle défaite au candidat du Front de gauche » – comme si le match se jouait entre M. Mélenchon et pas entre Mme Le Pen et la République.

     Voilà donc un homme qui, en allant à Hénin-Beaumont, s’était livré sous nos yeux à une sorte d’expérience chimique : « Voyez, cette circonscription est donnée acquise à l’extrême droite. Je m’y rends. Je ferai de la pédagogie politique. J’essaierai de montrer aux gens qu’on les trompe et qu’ils valent mieux que les discours qu’on leur sert. » Le résultat ne s’est pas fait attendre : ce fut d’abord la panique de Mme Le Pen, puis les médias, qui diluèrent le combat de M. Mélenchon en parlant de « match des populismes » (Le Monde, suivi par « Le Grand Journal » de Canal+), puis il y eut les faux tracts, dans le silence terrifiant des médias et des partis, avant la défaite d’un homme seul.

« VOUS ÊTES AU TAPIS ! »
(BFM)

     Voyez la vidéo de l’échange entre le journaliste de BFM TV et M. Mélenchon : « Vous êtes éliminé, Jean-Luc Mélenchon ! Vous êtes au tapis ! » Il vient d’être battu, il est fatigué, filmé de haut, ce qui lui fait les épaules petites et les cernes noirs. Ce qui apparaît clair comme le jour, ici, c’est que, dans le champ de vision des gros médias, M. Mélenchon occupe désormais la place qu’occupait Le Pen père : c’est le « trublion« , le « trublion« , utile pour l’Audimat, mais qui n’a bien sûr pas à faire partie du jeu, et qu’il est agréable de narguer dans ses défaites.

     Comment expliquer cette attitude des médias ? Manifestement, M. Mélenchon fait peur aux dominants. Ne parlons pas de conspiration médiatique. Ce qui arrive est beaucoup plus simple : les journalistes ajustent leurs prestations aux attentes de leurs patrons. Ils n’ont même pas besoin d’en être conscients. Dire cela n’est pas les exonérer de leurs responsabilités, mais tenter de comprendre au lieu d’accuser.

     M. Mélenchon fait peur, parce qu’il a réussi son pari, qui était de s’adresser au peuple en lui faisant comprendre que la politique n’était pas un métier réservé à des professionnels, mais que c’était son affaire à lui, peuple, le lieu où se décidait sa vie. Qu’il ait réussi son pari, on l’a vu au moment de son rassemblement à la Bastille. Il est aujourd’hui manifeste que cet événement a fait peur à une bonne partie des dominants[¹ NDR], et que, entre Mme Le Pen et M. Mélenchon, leur choix est fait. Ils pensent « plutôt Le Pen que Mélenchon », comme leurs pères pensaient « plutôt Hitler que Blum ».

     Mais ce n’est pas tout. Il y a chez M. Mélenchon une qualité que les dominants et leurs journalistes voudraient trouver ridicule et qui les terrifie : il croit ce qu’il dit. Chose dangereuse. Chose mal élevée. Avec lui, on ne peut pas, en coulisses, rire de tout, ni établir cette connivence qu’on voit tous les jours entre journalistes et politiques : ces questions qui n’en sont pas, ces réponses qui n’en sont pas, et parfois, ces questions « insolentes » suivies de réponses confuses, suivies du sourire satisfait et ironique du présentateur : « On ne me la fait pas, mais je ne vendrai pas la mèche ». Ce cynisme désabusé fait aussi le lit de Mme Le Pen, c’est-à-dire du fascisme.

     M. Gattegno disait que M. Mélenchon « devait espérer une sortie plus glorieuse”. Il se trompe. C’est pour l’élite politique et médiatique que ce jour n’est pas glorieux. Mais il y a des défaites glorieuses, comme celle du valeureux Caton face à César. : « La cause des vainqueurs a plu aux dieux, mais celle des caincus a plu à Caton”, disait Lucain (I, 128).

Paul Klein

Notes de la rédaction :

1. …Et qui ont tout fait pour minimiser son ampleur, voire nier son existence ; le 31 mars 2012, Mélenchon écrivait dans une note de son blog : « Les actes de sous-évaluation sont intéressants aussi car ils permettent une saine éducation collective à propos du niveau de turpitudes auquel certains médias sont prêts à s’abaisser pour mener leur combat. Ainsi quand « Le Nouvel Observateur » nie purement et simplement l’événement de la Bastille. Pas une ligne, pas une photo. Mais c’est tant mieux en quelque sorte. Rien n’est plus écœurant que les papiers qu’il nous consacre de temps à autre, plein de morgue, d’offenses de toutes sortes et de ragots de dîner aux bonnes tables où invitent les dirigeants socialistes. C’est pourquoi le pire est à venir. Compte tenu de ce qu’est la propagande des socialistes depuis dix jours je m’attends à une entrée en scène spécialement odieuse de la part de l’organe bling-bling du social-libéralisme. Si l’on tient compte des projets de carrière de son principal dirigeant en cas de victoire de la gauche dont tout Paris bruit, sa cotisation à l’entreprise de démolition va être particulièrement gratinée.
[…]
Inutile, je suppose, de dire de nouveau combien le traitement médiatique de la campagne dans la presse écrite peut être décevant. Je parle de la presse écrite car c’est d’elle dont on attend recul et arguments par rapport à l’instantané du média audiovisuel. En réalité, à l’heure actuelle, l’audiovisuel est beaucoup plus factuel qu’une bonne partie de l’écrit. Je n’en juge pas en général mais au cas particulier qui me concerne. Pour l’humour de situation je veux souligner un événement d’un genre nouveau. Il s’agit du traitement du meeting de Lille. A peine avions nous donné le chiffre de la participation que la journaliste du Figaro « tweetait » de tous côtés des persiflages. Du journalisme pro actif en quelque sorte ! Aussitôt les deux autres faces de l’Everest médiatique parisien firent écho. Car la confraternité est plus importante que les faits. C’est donc une première qui a eu lieu. Elle ridiculise les fabricants de faits. Car cette fois-ci la police a… compté. Il y a donc trois chiffres. Celui des organisateurs : 23 000. Celui de la police, reproduit par toute la presse locale : 20 000. Et le chiffre du journal « Le Monde » : 10 000 ! Ah les braves gens. Et, bien sûr, objectivité oblige, le « reportage » avance le chiffre des « organisateurs » pour mieux souligner l’absurde exagération. Manque de chance pour ce type de manipulation, le chiffre de la police (un ramassis de bolcheviks à la solde du Front de Gauche ?) souligne au contraire que nous n’exagérons pas. Mais cet amusant ridicule nous instruit. Il nous rappelle combien le nombre des participants est un enjeu politique. Je ne parle pas de ce qu’en dit la presse parisienne. Cela n’a pas d’impact sur notre trajectoire comme on le voit à notre succès après qu’elle a tant fait pour nous nuire ! Je parle de la perception qu’en ont ceux qui en reçoivent le choc. Car il s’agit d’un choc. Le sentiment de la force décuple la force. La perception du rapport de force fait partie du rapport de force. Et c’est bien pourquoi on reconnaît nos ennemis à cette crispation qui les conduit à nier les faits jusqu’au ridicule !

A l’inverse, notre intérêt est de dire la vérité et rien de plus qu’elle. Nous le faisons parce que c’est notre intérêt de situer exactement le point où nous en sommes, non pour les commentateurs, mais pour l’auto-évaluation exacte que doit faire d’elle-même la force que nous cherchons à constituer. C’est ainsi que chacun peut ensuite apprécier l’effort qu’il veut faire pour améliorer notre rapport de force.”

Marianne, encore dans un article du mois de juin, note à propos de l’événement de la Bastille : “des milliers” et pas des dizaines de milliers. Le Petit Journal avait parlé d’un maximum de 30 000 personnes. Or n’importe quel abruti pourvu d’un peu de bonne foi peut faire le calcul lui-même d’après les photos et les vidéos prises en hauteur : la manifestation du 18 mars occupa la totalité de la place de la Bastille (32 250 m2), plus environ 700 mètres de la rue du Fauboug Saint-Antoine (entre Bastille et Ledru-Rollin), remplie de manifestants qui ne parvinrent jamais à la Bastille (soit 700 m (longueur) x 20 m (largeur) = 14 000 m2) ; soit au total 46 250 m2 ; soit environ 92 000 personnes.

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Une réponse à PLUTÔT LE PEN QUE MÉLENCHON

  1. Non à la judéo-maçonnerie dont Mélenchon est un élément important. Et s’il se fait dénigrer dans les médias c’est qu’il donne le bâton pour se faire battre. La caste lui rend coup pour coup et comme il est trop arrogant pour s’en rendre compte et bien on le piétine, on le ventile, on le disperse! Mélenchon is out et c’est un grand soulagement pour le peuple de France qui réclame sa souveraineté et non sa soumission à la judéo-maçonnerie.

    • opiam2012 dit :

      Cher citoyen engagé, votre commentaire est exceptionnellement validé, afin que les nombreux naïfs puissent constater que l’antimaçonnisme va presque toujours de paire avec l’antisémitisme. Que ces naïfs lisent un peu d’histoire, et sachent au minimum que le maréchal Pétain a fait interdire la franc-maçonnerie en 1940, puis que la propagande hitlérienne s’est construite en partie sur le slogan « franc-maçon et juif » leur donnera peut-être la curiosité de se renseigner sur les origines de l’antimaçonnisme, ses manifestations et surtout son lien avec le royalisme, les ennemis de la Révolution de 1789, l’intégrisme catholique, le fascisme et l’antisémitisme.
      Qu’ils commencent au moins par consulter la page Wikipedia sur l’antimaçonnisme et la caricature fasciste du juif manipulant le franc-maçon.

      • Mais je suis d’accord sauf que je ne suis pas antisémite mais anti-juifs khazars qui eux sont antisémites.
        Et je ne suis pas non plus pour cette république judéo-maçonnique de 1789 (vive le frère Mélenchon!) mais pour la souveraineté du peuple français!

        Franchement le plus naïf des deux n’est celui que l’on croit.

  2. lucie Legall Stevenin dit :

    Je vois Monsieur Jean Luc Mélenchon comme un homme honnête et sincère et donc dérangeant…Ce qui m’étonne le plus de la part des représentants de certains médias anti-Mélenchon c’est l’absence de la peur de perdre leurs petites économies car s’il y a bien un programme qui prévoyait de nous épargner la faillite totale du système c’était bien le sien (et c’est toujours).Leurs sous sont peut-être à l’abri dans des paradis fiscaux ?

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